vendredi 27 novembre 2009

La Cantatrice chauve dans la mise en scène de Jean-Luc Lagarce reprise par François Berreur : la notion de kitsch

Hier soir, donc, ce fut La Cantatrice chauve.
En guise d'analyse de spectacle, j'ai l'intention de vous poser quelques questions relatives à la scénographie, aux costumes et à la matière sonore.
En partant de cette photographie du spectacle :
On en reparle lundi.
Mais je voulais vous parler du kitsch, notion mouvante et difficile à cerner sur laquelle Lagarce paraît bien avoir construit une bonne partie de sa mise en scène.
Qu'est-ce que le kitsch ?

Le mot kitsch est un mot allemand, introduit en 1960 dans la langue française.

Dans le vocabulaire esthétique, le mot kitsch s'applique souvent à des oeuvres ou des objets surchargés, baroques, inauthentiques et de mauvais goût. En histoire de l'art, au XIXème siècle, on parlait de "style pompier" (ce qui renvoie directement à Ionesco !)

Kitsch connote de façon plus contemporaine l’artifice, l’inauthenticité, la superficialité. En ce sens, il a aussi une acception morale : le kitsch est un monde artificiel et clinquant où tout est faux et truqué, un monde vide et obscène.

Pour mieux en saisir la dimension esthétique et la charge satirique et corrosive, on peut aller voir du côté d'un très grand photographe britannique contemporain, Martin Parr.

Voici quelques unes de ses images, plus parlantes que tout commentaire...


Série Playas, 2009


Série How we are : Photographing Britain, 2007


Ocean Dome Bath center (Centre nautique Dôme Océan), 2007


Pig Pink Cakes, 1989, Série "Common Sense" ("sens commun")




jeudi 26 novembre 2009

LE FINALE : un feu d'artifice musical


Quelques mots sur Jacques Demy dans l'optique du projet de finale "comédie musicale".
Demy est l'un des très rares en dehors des américains à avoir abordé avec succès le genre du film musical.
Affichette promotionnelle américaine du film Les Demoiselles de Rochefort
Mais il le fait à sa manière : ses films sont moins des comédies musicales au sens américain (c'est-à-dire des films émaillés de séquences chorégraphiées et chantées) que ce qu'il appelle des films chantés : dans Les Parapluies de Cherbourg (1964), tout fait musique, tous les dialogues sont chantés, toutes les séquences sont sinon dansées du moins chorégraphiées.

C'est moins vrai pour Les Demoiselles de Rochefort (1967), même si la musique et la danse y tiennent une place primordiale.
Evidemment, ce parti pris, c'est à la fois l'étrangeté et la grâce des films de Demy : il y a toujours quelque chose de très singulier voire de d'abord grotesque à voir des scènes quotidiennes et prosaïques chantées (le premier commence dans un garage si mes souvenirs sont bons...). On peut y voir du kitsch et de l'artificiel comme sur l'affiche :
Affiche du film Les Demoiselles de Rochefort
Mais passée la première gêne, il y a un véritable enchantement, quelque chose de très profondément vivant et gracieux, qui va même jusqu'à certaine gravité (le deuxième n'hésite pas à aborder des questions très graves comme la guerre en Algérie). Comme si la danse et le chant relevaient d'une politesse du désespoir et d'une foi affirmée avec force dans la vie malgré tout.
Bref, c'est une expérience à vivre.
Dans le cadre de notre projet, il faut surtout voir les Demoiselles de Rochefort, parce qu'il y a des séquences de danse collective qui mettent en scène des marins et qu'il y a là un esprit à capturer pour tâcher de les réinvestir dans notre happy end /feu d'artifice.
Une des séquences collectives des Demoiselles qui met en scène couples d'amoureux au coeur
d'une foule
Ensuite, rien n'empêche de voir l'un des plus beaux films français des dernières années par un héritier direct de J Demy : Les Chansons d'amour de Christophe Honoré.
Bonnes projections !

mercredi 25 novembre 2009

ALERTE SORTIE !!

Alerte !
Un bug dans le tableau distribué en début d'année est en train d'enclencher des catastrophes en série.
Les optionnaires théâtre de 1L1 (vous !) doivent aller voir demain
JEUDI 26 NOVEMBRE
A SARTROUVILLE
"LA CANTATRICE CHAUVE"
A 19H30
RDV CAR 18h45 RETOUR PREVU 23h
Faites passer d'urgence...

jeudi 19 novembre 2009

Entrer dans un travail de création : faire des recherches

Le projet est désormais lancé et le pain s'amoncelle sur la planche !
Il s'agit maintenant d'entrer dans le processus de création en faisant son miel de tout.
La règle n°1 est d'être toujours préoccupé(e) du travail de création en cours de sorte que tout ce que l'on voit, entend, vit, rencontre ait chance de faire résonance, de déclencher un écho, de produire des étincelles.
La règle n°2 est de mettre en route un processus actif de recherche en n'attendant pas seulement le "hasard objectif" d'une rencontre heureuse, mais en allant voir ailleurs si notre travail y est. Les mauvais créateurs imitent ; les bons volent et pillent. Bref, un imaginaire et une création, ça se nourrit; ça ne vient pas tout seul, contrairement à ce que le vieux mythe du génie et de l'inspiration veut nous faire croire. C'est en forgeant qu'on devient forgeron : c'est en volant qu'on attrape des ailes.
Donc, voici plusieurs pistes à explorer pour les différents groupes de travail - dont je dévoile ici en primeur la composition...

Episode 1 Des dieux et des hommes / Hall lycée ? / voix off / Romane, Cynthia (et éventuellement Assia, si elle est d'accord)
Gros travail d'adaptation des chants I et II : il faut en garder le débat entre Zeus et Athéna sur le sort d'Ulysse, l'adresse d'Athéna à Télémaque, puis le discours de Télémaque aux prétendants (c'est à dire aux spectateurs) et son départ à la recherche de son père.
L'enjeu est de suggérer la présence des dieux à travers un travail sur une bande son : voix amplifiée, déformée, enregistrée ou directe ? Bruitages suggérant le monde des dieux ?
L'enjeu est aussi scénographique : où commence le spectacle ? Comment sont accueillis les spectateurs ? D'où Télémaque s'adresse-t-il à la foule des prétendants/spectateurs ?
Il faut aussi mettre en scène Télémaque, le jeune fils d'Ulysse, pas encore aguerri : l'Odyssée c'est aussi l'histoire de son accès à l'âge adulte, mais au début du récit c'est un enfant. Comment on le joue ? Comment on le costume ?
Episode 2 Des adieux déchirants / une salle de classe / une scène de cinéma dialoguée/ Valentine, Jane, Natali
Travail d'adaptation : une scène cinématographique d'adieux amoureux contemporains. Tout passe par le dialogue et le jeu. Pas de narrateur. Mais on peut malgré tout imaginer de garder dans la bouche de Calypso la poésie de Jacottet.
Il faut travailler le cadre et les lumières (construire un plan et un décor cinématographique) et se sensibiliser à la question du hors champ.
Il faut voir du cinéma d'auteur, fait par des gens qui savent tenir une caméra. Le Mépris de Godard (au moins le début avec Bardot).


Jean-Luc Godard, Le Mépris, 1963 (Brigitte Bardot, Michel Piccoli)

Vous pouvez aussi voir des films mélodramatiques de Douglas Sirk, notamment Tout ce que le ciel permet, qui magnifient les émotions par l'emploi des couleurs flamboyantes et du cadre (technicolor + cinemascope)

Douglas Sirk, Le Mirage de la vie, 1959 (Lana Turner)
Episode 3 Nausicaa et Ulysse sortant des eaux / une salle de classe / cinéma muet / Laurine, Anastasia, Margot, Camille
On peut aller chercher du côté de la peinture :Ulysse comme nouvelle Vénus (voir Botticelli)
Mais surtout du côté du cinéma muet expressionniste : il faut voir les chefs d'oeuvre de Murnau L'Aurore, Nosferatu.

Friedrich-Wilhelm Murnau, L'Aurore, 1927 (George O'Brien et Janet Gaynor)
Et ceux de Lang Dr Mabuse, M le Maudit.

Fritz Lang, M Le Maudit, 1931 (Peter Lorre)
Pour s'en inspirer en termes de maquillages (charbonneux), de jeu (gros plans avec expressions outrés, grands gestes mélodramatiques). On peut aussi reprendre l'idée des "cartons" pour le récitatif ou les dialogues. Et la musique ?
Il faut aussi travailler sur l'idée des drapés, des voiles, des tissus. Du caché/montré.
Episode 5 / Le cyclope / Salle polyvalente pendant le banquet à la cour d'Alcinoos / film d'effroi en animation / Alice, Amanda, Morgane, Elodie
Il faut respecter de très près le texte original très séquencé et fourmillant de détails horrifiques et bricoler un maximum et accentuer le décalage entre la modestie d'un bricolage à vue et l'effet de sa captation et sa projection vidéo. Playmobiles, oeil de boeuf, etc.
On a évoqué Un chien andalou (film surréaliste de Bunuel et Dali à voir à tout prix) et Panique au village.
Il faut aussi voir le merveilleux Soyez sympa, rembobinez de Gondry et aller voir du côté de l'origine du cinéma, des films de Mélies, et notamment du Voyage sur la lune.

Georges Melies, Le Voyage dans la lune, 1902
Il faut aussi construire ou concevoir un espace dans l'espace, une boîte dans la boîte de la salle polyvalente.
Episode 6 / Les Sirènes /Salle polyvalente pendant banquet d'Alcinoos/ chants / Agnès, Marine, Clémence, Assia si elle y tient vraiment
Comme pour épisode précédent, il faut imaginer l'espace des sirènes dans la salle polyvalente pendant le banquet.
Il faut revenir au texte et partir des sirènes homériques évoquées deux fois (par Circé et par Ulysse) puis trouver le moyen d'évocation le plus puissant : leur inventer un chant et une présence. Jouer la féminité, l'enchantement féminin ?
Plutôt que chez Disney, aller voir dans la peinture. Surtout inventer sa sirène en partant du texte et décoller du cliché pour surprendre.

Haut les coeurs ! Souquez ferme !