mercredi 21 octobre 2009

Perspectives pour éclairer la saison maussade de la Toussaint


Je pallie le manque de temps d'hier pour dessiner avec vous quelques perspectives pour le retour des vacances.
Si certaines n'hésitaient plus à continuer à explorer le texte qui est à la base de notre travail, ce ne serait pas tout à fait du luxe : lire l'Odyssée au-delà des chants impartis dans le premier temps du travail, voire - rêvons... - dans sa totalité, pour avoir une idée du choix que Marc et moi allons faire dans cette matière narrative et éventuellement pouvoir les discuter.
Et rêvez sur les épisodes qui vous retiennent, laissez dériver votre imaginaire, construisez mentalement des mises en scène à grand spectacle !
Vous pouvez aussi aller piocher dans des ressources internet de première qualité :
- l'exposition virtuelle de la BNF sur Ulysse où l'iconographie est remarquable (expositions.bnf.fr/homere/index.htm)
- la conférence de JP Vernant qui fait en une heure ressentir la beauté et la grandeur du spectacle d'une intelligence et d'une humanité en action (http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/conf_aub/conference_du_23_octobre_2006_.jsp)
- un site très bien fait qui vous raconte L'Iliade (qu'il n'est pas mauvais non plus de connaître...) et l'Odyssée (www.iliadeodyssee.com).
PS : n'oubliez pas, pour la rentrée, de lire Roméo et Juliette dans la traduction de Laroque et Vilquin dans l'édition du livre de poche ni de rédiger l'analyse de spectacle Médée.

mardi 20 octobre 2009

Thèmes, solutions "dramaturgiques" et "bonnes idées" à garder et à travailler !



Parmi toutes les propositions sur les Chants de l'Odyssée il me semble qu'il y a beaucoup de choses à garder et à "travailler". Un petit récapitulatif s'impose...

- Narrateur : présent sur scène = oui ? Non ? Voix off ? A vue ? Sur un côté ? Dans les coulisses ? Parmi les spectateurs (peut donner une impression de "tous ensemble" : le public tout entier se sent plus concerné par le narrateur qui est présent parmi eux) ? Personnage ? Personne ? ...
- Musicalité : guitare, piano, voix (amplifiées -micro- ? chants -gospel- ? Un Choeur (Médée) ? Parmi les spectateurs ? Au fond de la salle ? Amplifié (avec une table de mixage) ? Dans les coulisses ? Sur scène ? ...
- Ulysse : Représenté ? Homme (être humain ou mannequin) ? "Externe" (juste nommé par le narrateur) ? Caché ? Imaginé ? Pourquoi pas "proposer" aux spectateurs de devenir notre Ulysse (Médée) ? ...
- Tempête(s) : ventilateurs ? sèches cheveux ? Parmi les spectateurs (venant des côtés, de partout) ? Souffler dans le micro, le frotter, le bouger ? Jeu de lumières ? Rideaux fermés et les faire bouger pour donner l'impression aux spectateurs d'être enfermés, d'être "séquestrés" ?
- Voyage : emmener le spectateur s'avère difficile, mais pas "infaisable" ! Commencer la pièce dans la salle poly ? Réfléchir aux différents lieux de cette progression. L'amphi pour le côté antique, pourquoi pas lorsque nous jouons là bas essayer de "reconstituer" une scène d'époque, antique grecque... Guider le public : un "guide" plutôt moderne ? Un personnage qui invite le public ? ...


P.S. : La suite, au prochaine épisode ?! Amener vos idées :)

lundi 19 octobre 2009

Quelques mots sur Casimir et Caroline

Un enfant fiévreux m'empêche de vous retrouver aujourd'hui.
Voici ce que je comptais vous dire en guise de reprise des questions d'analyse dramaturgique autour de Casimir et Caroline.

1. Le choix de l'adaptation

Le parti pris est clairement celui de l'adaptation contemporaine et non celui de la reconstitution historique. Les signes du contemporain sont multipliés, techniques et technologiques notamment : néon, voiture, chaises plastiques, ordinateur. Les costumes renvoient soit à la dimension festive, carnavalesque (comme ceux des musiciens-saltimbanques), soit à une époque indéterminée, mais plutôt contemporaine. Le costume n'a pas de fonction référentielle historique.

La volonté est donc de favoriser l'effet de miroir tendu d'une époque à l'autre : comme si le contexte d'aujourd'hui, celui de la crise financière et de la désespérance sociale, répétait celui de la société munichoise de 1932, càd de la grande Crise de 1929, du chômage de masse et de la montée d'Hitler et du nazisme.

Ce choix énonce donc un parti pris politique : les metteurs en scènes cherchent à faire un théâtre d'intervention qui met en débat la société d'aujourd'hui, oblige les spectateurs à s'interroger sur les valeurs dominantes de la société, les relations sociales et entre les sexes, etc. Mettre en scène Casimir et Caroline, c'est adresser une mise en garde.


2. Scénographie

La fête foraine est présente par les lumières, les bruits, le mouvement, mais n'est pas représentée. Les attractions notamment sont suggérées hors champ. Ce sont les bruitages, les cris et/ou le jeu des comédiens, le jeu de leurs regards qui créent implicitement les attractions sans les montrer de façon réaliste : on voit le Zeppelin à travers les yeux des personnages, le jeu du comédien transforme les tubulures de la structure en jeu de force, les montagnes russes s'imposent par bruitages et cris.

Ainsi, le pari quasi impossible de montrer les attractions énoncées par le texte est-il résolu par la suggestion : l'imagination du spectateur supplée les indices et lui permettent de reconstituer mentalement un hors scène.

Du coup, l'attraction foraine fonctionne surtout ici comme une métaphore. Par exemple, aller sur les montagnes russes pour Caroline, c'est céder à la tentation de quitter Casimir et de le tromper avec plus puissant et plus prometteur que lui, de vivre une vie plus intense et plus « haute », bref de « s'envoyer en l'air ». De même, le jeu de force qui ouvre la pièce met-il en exergue le problème central du personnage de Casimir : ce colosse est au pied d'argile, fragilisé par son licenciement. ; sa démonstration de force ne peut s'exercer que dans le cadre dérisoire d'une attraction de foire.

Mais ce qui intéresse visiblement scénographe et metteur en scène dans l'espace de la fête foraine c'est le fait que ce soit un espace publique de circulation, de rencontres et d'échanges où les rapports sont à la fois apparemment libérés des contraintes sociales et rendus plus brutaux par cette licence. Et l'évacuation des événements les plus festifs, même s'ils sont transposés en chansons et moment de comédie musicale, font que d'emblée la fête sonne aigre, menace de virer mal, est triste, voire sordide, glauque, dangereuse : c'est avant tout un moment de libération des affects et des désirs, des pulsions. Ce qui circule, ce sont bière, nourriture, désir et argent (le plateau est souillé successivement par la bière, la glace et les billets de monnaie).

Le dispositif présente de vastes et hauts échafaudages superposés qui offrent autant d'espaces de jeu simultanés et/ou alternés, multiplient les plans et les actions. Le regard du spectateur, dynamisé par la circulation incessante des comédiens et des musiciens (à part celle de Casimir, accidentelle mais significative : il est cloué au sol), est sans cesse attiré par de micros-événements ou des mouvements annexes, à la fois cadré et décentré.

Bien sûr, c'est d'abord une façon de rendre le contexte singulier de la fête, de la foire, de la masse des fêtards et des actions : mouvements, circulations, traversées – un tourbillon.

C'est aussi une façon de poser l'interaction qui est au coeur de la pièce entre intimité du couple et de l'amour et situation sociale : la rupture entre Casimir et Caroline se fait sous les yeux d'autres personnages, en public, en accord ou en contraste avec le contexte immédiat de la fête. D'une certaine façon, l'intimité amoureuse est posée dans l'espace publique et devient une question indémaillable de la question sociale et politique.


3. Musique

La musique est omniprésente. Le niveau sonore est élevé : bruitages, musique, voix amplifiées, voix fortes.

Ainsi est rendu le malstrom d'une fête foraine. C'est sa première fonction – représenter une fête que le dispositif scénographique a choisi de suggérer. Ainsi la musique crée de l'espace : ses effets de bruitage suggèrent des attractions hors champ, son assourdissement crée soudain une frontière entre un espace intérieur et un espace extérieur.

Elle accompagne les moments joués ; elle joue comme contrepoint ou amplification. C'est sa fonction dramatique, voire lyrique : elle assure la montée dramatique; elle crée de l'émotion.

Elle alterne moment de chants collectifs et moment de chansons solitaires : c'est sa fonction dramaturgique. Elle recoupe ainsi un des enjeux centraux de la pièce qui est la contiguïté et l'interprénétrabilité des espaces intimes et publiques, privés et collectifs, amoureux et sociaux.

Elle propose aussi des intermèdes: elle est au coeur de moments chantés et fait du spectacle une comédie (ou une tragédie?) musicale, un opéra populaire. C'est du théâtre musical.


mardi 13 octobre 2009

Un axe dramaturgique de travail : un spectacle sensoriel

Après la riche proposition de cet après midi, on peut déterminer ensemble un axe dramaturgique essentiel dans le travail collectif : faire de notre Odyssée une épopée sensorielle pour le spectateur.
D'abord parce qu'on lui proposerait l'équivalent théâtral d'un livre d'images en jouant au maximum la carte du merveilleux épique du texte original. Mais un livre d'images dans lequel il se déplacerait !
Ensuite en essayant de faire de chacun des tableaux un spectacle pour tous les sens, en n'hésitant pas à travailler sur une relation directe avec le spectateur : le faire voir (ou pas : on peut aussi le mettre dans le noir ou lui bander les yeux) et entendre (creuser la piste de la musique : que toutes les musiciennes lèvent le doigt et surtout apportent leurs instruments), mais aussi le faire sentir, toucher et goûter.
Ainsi la question centrale de l'hospitalité ne concernera-t-elle pas seulement le récit, mais aussi le spectacle : si nous parvenions à recevoir le spectateur aussi bien qu'Alcinoos reçoit Ulysse...

jeudi 8 octobre 2009

Encore un peu de technique

D'abord pour ne plus apparaître comme anonyme, devenir membre en cliquant sur l'icône et en créant si nécessaire une adresse e-mail sur gmail ou yahoo.
Ensuite, quand vous venez sur le blog, il faut vous connecter (cliquez sur connexion) avec l'adresse que vous aurez utilisée ou créée pour devenir membre. Enfin, il faut m'envoyer un message à l'adresse prof.julien.dieudonne@gmail.com en me donnant cette même adresse e-mail. Je vous ajouterai comme auteur et vous pourrez à votre tour publier des messages et les truffer d'autant d'images que vous voulez. Simple, non ?
Ce qui est moins simple, c'est que j'exige des messages parfaitement orthographiés et écrits correctement. On peut commenter à brûle pourpoint et sans trop souci de la forme (mais en modérant le fond et le ton), mais un message, ça se pense et ça se compose.
A bon entendeur, salut !

Analyse de spectacle : Casimir et Caroline


Je vous ai promis pour mardi trois questions sur Casimir et Caroline d'Ödön von Horvath dans la mise en scène de Johan Simons et Paul Koek que nous avons vue mercredi 7 octobre au théâtre des Amandiers de Nanterre.
Conseils pour vous y préparer :
- (re)lisez le programme du spectacle
- reprenez vos notes et synthétisez ce que vous avez pu observer concernant les trois axes sur lesquels je vais vous interroger : la question du contexte historique de la pièce (fête de la bière à Munich en 1932); la scénographie; la musique.
Bon courage !

mardi 6 octobre 2009

Conseils techniques

Vous pouvez désormais commenter les messages.
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lundi 5 octobre 2009

Raconter/Montrer : la question du narrateur et de la narration dans L'Odyssée



Démodocos, l'aède des Phéaciens, chante la gloire des héros Gravure par Tommaso Piroli (1752-1824) d'après le dessin de John Flaxman (1755-1826) The Odyssey of Homer. Rome, 1793. Planche 10
Petite réflexion un peu bavarde mais (je l'espère) pas inutile...
L'un des enseignements que l'on peut tirer des différentes adaptations des chants de L'Odyssée présentées la semaine dernière, c'est qu'un premier choix décisif concerne l'acte de raconter lui-même : faut-il mettre en scène un narrateur ou bien transformer le récit en scènes sans filtre ou intermédiaire ? Si l'on choisit un narrateur sur le plateau, quelle place lui assigner, quelles modalités de présence lui conférer ? Doit-il être toujours présent/par intermittences ? Quelles relations doit-il entretenir avec les personnages et les actions jouées ? Avec le spectateur ?
Le questionnement est nécessaire et passionnant puisqu'il met en jeu la distance entre le récit et le spectateur - son adhésion complète ou pas aux scènes montrées.
Pour bien en poser et en peser les termes, il est nécessaire d'observer dans L'Odyssée même la place et l'importance de l'acte de narration.
L'on sait d'abord que L'Odyssée est la trace écrite d'une tradition orale - un peu comme les Contes de Perrault : les Chants étaient avant tout le prétexte d'une performance orale d'un récitant, l'aède, accompagnée de musique.
Gustave Doré, frontispice de l'édition des Contes de Charles Perrault dans l'édition Hetzel de 1872
L'on peut aussi remarquer qu'il ne manque pas d'épisodes où cette performance est en quelque sorte mise en scène dans le récit lui-même : par exemple, durant la totalité des chants IX à XII, c'est Ulysse qui raconte ses propres aventures à la cour d'Alcinoos dans un récit rétrospectif à la première personne (mise en abîme géniale).
Or ce choix est décisif : il met Ulysse en position d'aède et du coup il met en question le crédit à donner à ce récit. Faut-il croire tout ce que raconte Ulysse ?
Si Ulysse raconte ses aventures aux Phéaciens, c'est dans l'espoir qu'ils puissent l'aider à rentrer chez lui. Car les Phéaciens sont des "passeurs", un peuple de la mer, qui rend culte à Poséidon.
Or Ulysse a outragé Poséidon en aveuglant le Cyclope.
Il a donc devant lui a priori un auditoire hostile : il lui faut le séduire. Et même le retourner : faire de ces protégés de Poséidon ses propres alliés.
Du coup, il a intérêt à atténuer ses responsabilités et à se montrer sous le jour le plus favorable. Bref, il doit se donner le beau rôle dans des événements dont il est le seul témoin vivant.
On le voit, la question de mettre en scène cet acte de narration-là et ses enjeux de signification (Ulysse racontant aux Phéaciens ses aventures et sans doute les déformant) est un choix dramaturgique essentiel : il engage rien moins que le crédit que l'on veut suggérer au spectateur de mettre dans les événements rapportés. Il pose la question du faux, du mensonge, de l'illusion : bref, la question du théâtre...
La question du comment mettre en scène cet acte de narration, et selon quels partis pris, je vous la laisse...

jeudi 1 octobre 2009

Des images pour Médée : La résonance de l'oeuvre de Bourgeois















Maman, sculpture monumentale érigée devant le splendide musée Guggenheim de Bilbao (architecte Frank Gehry) - ci-contre : une vue de dessous qui éclaire un détail très signifiant...


Louise Bourgeois (1911) est une artiste américaine d'origine française. Son oeuvre est hantée par les figures familiales (le père "phallus", la mère "araignée" et "la fillette") et elle considère la création plastique comme un exutoire formel à des obsessions et des traumas familiaux.
Bref, celle qui peut déclarer :
"L'inconscient est mon ami"
ou
"dans mon art, je suis l'assassin"
est bien une candidate idéale pour une recherche iconographique autour du personnage de Médée...
Voici donc 2 oeuvres de L. Bourgeois : explorez la multitude d'échos avec la pièce d'Euripide et le personnage de Médée qu'elles suggèrent avant que nous les dégagions ensemble en cours.
Notez bien, d'un point de vue métho
dologique, que ces oeuvres ne sont en aucun cas des illustrations de la pièce à laquelle elles ne font aucune allusion directe, explicite et volontaire. C'est mon oeil, préoccupé de Médée, qui surprend une résonance et postule qu'il y a là en puissance un traitement dramaturgique intéressant du personnage.


Spider ("Araignée")
l'une des nombreuses
variations de cette série
de 1997.