mercredi 29 décembre 2010

Qui veut prendre une leçon d'obscurité?

L'Odéon cette année, les filles est à fond avec nous. Notre ami Nova est très compliqué et ça ils l'ont bien compris, alors, ils nous proposent une jolie série de lectures et de pièces par Nono himself, comme Le Vrai Sang que nous allons voir en Janvier par exemple. Mais il y a deux semaines, on est allées voir et écouter Pour Louis de Funès (de Novarina, of course) par Dominique Pinon. Et figurez-vous qu'on a appris beaucoup de choses plutôt intéressantes pour notre entreprise, alors on a pris nos petites notes et voici ce qu'on en a retenu.

1. Que l'acteur qui entre sur scène vient prendre une leçon d'obscurité.

Nous ce qu'on propose s'appellerait plutôt une leçon haute en couleurs et en émotions. Mais nous pensons que ce qu'il veut dire par cette "leçon d'obscurité" nous concerne vraiment, aussi colorées que possible. Car il ne s'agit pas de la leçon que l'on offre aux autres, aux profs, au public et finalement au jury, mais de celle que Novarina nous offre. Il nous explique dans cette oeuvre comment selon lui, le meilleur acteur comique de tous les temps, comment Nous, devons nous comporter sur scène. Oublier la lumière, oublier le trac et la gêne, oublier notre état et profiter de l'obscurité face à nous. S'en servir de ressource et la boire jusqu'à la dernière goutte. Nous devons:

2. Retirer nos vêtements humains.

On nous le dit évidemment depuis le début qu'il faut s'oublier et devenir le personnage que l'on "joue", mais sans trop jouer, sans jamais simuler, en étant vrai, mais jamais trop quand même parce que le théâtre n'est pas un art réaliste, etc etc. Mais finalement, qu'est-ce que ça veut dire? Eh bien nous ce qu'on s'est dit, c'est que finalement, l'auteur le plus difficile à comprendre et à jouer était peut-être le plus clair, le plus apte à nous dire comment faire. Et que ces images dont nous parlons tant depuis le début sont peut-être celles qui nous permettront d'atteindre l'état d'une Irma Grammatica, ou d'un Bonhomme Nihil. Et nous pensons que cette image là, de retirer ses vêtements humains prend tout son sens dans ce contexte, finalement très inhumain. Aucun de nos personnages ne renvoie à un humain, à un voisin que l'on croise le matin ou même au facteur, au boulanger. Ils sont tous, de par leur noms, vicieux ou monstrueux, étranges du moins. Et le meilleur moyen de les apprivoiser est d'écouter leur créateur nous dire comment faire, comment les adopter. Et si nous retirions notre vêtement humain? Que nous enfilions une salopette qui n'a aucune connotation, et que nous oubliions un peu la lumière qui nous découvre aux autres pour se laisser aller à être le plus engagé, et peut-être le plus ridicule possible. C'est sans doute la connotation animale qui nous évoque cela, mais l'exercice que nous avions fait en tout début d'année, celui d'être une poule, ou un poisson nous paraît le même que nous devrions effectuer ici. Se quitter sois-même et incarner nos animaux. Pour en avoir pas mal discuté nous avons tendance à avoir toujours sur nous-même ce regard critique, cette gêne constante, et même si nous nous connaissons bien et que nous sommes assez en confiance, souvent on craint le regard de l'autre. Mais si l'on retire nos vêtement humains, si l'on s'oublie sois-même pour être toutes des poules, toutes des Bonhomme Nihil ou des Téanthropes, alors la leçon d'obscurité colorée pourra vraiment commencer. Il ajoute d'ailleurs que l'acteur comique n'a pas de vêtement mais seulement un costume de lumière. La combinaison n'est pas un vêtement et la peinture est la lumière. Il dit aussi d'ailleurs:

3. Que l'acteur s'assassine lui-même avant d'entrer en scène.

Il confirme ce qu'il dit, être vraiment là, incarner à deux cents pour cent c'est se jeter dans l'arène, n'être plus sois-même. Mourir avant d'entrer en scène et se vêtir des habits de nos personnages. L'acteur n'est pas celui qui se met en scène sous le feu des projecteurs, non au contraire il est celui qui apprend dans l'ombre de la lumière au travers de la peau qu'il s'est offert pour jouer. Jamais personne ne doit nous voir sur scène dans Novarina, ni nulle part ailleurs. On ne doit voir qu'un homme des trous du bas, qu'une machine à dire vrai, ou à réparer le vide juridique.

4. Il dit aussi que le théâtre n'est sur scène que la représentation d'un trou.

Nous avons beaucoup aimé cette image du trou, plus au sens organique, mais plutôt au sens spatial. Nous trouvons ça très intéressant de se façonner un trou d'imagination, de creuser à l'intérieur de nous même pour comprendre et trouver le sens de nos paroles. Puisque si nous nous abandonnons nous-même il ne s'agit plus de réciter un texte, mais de parler. Nous ne montrons aux spectateurs qu'un trou, et il est fort possible que le mot trou soit très adapté à la situation, car ils risquent de ne pas tout comprendre. Mais cette image du trou est très intéressante, on imagine presque directement un trou dans la scène et des personnages qui en sortent comme d'une fosse pour parler, et être leur personnage. Mais il ajoute ensuite:

5. Que l'acteur doit avoir des paroles neuves après chaque respiration et qu'il n'est là que pour jouer, uniquement pour rien.

Cela nous rappelle le journal de bord de Marine sur la respiration ventrale et le débit, la force de parole que cela permet de faire sortir de nous, et surtout le sens qu'il prend en nous. Cette respiration est essentielle chez Novarina, parce qu'en plus d'aider à faire exploser la parole, elle renouvelle le texte lui-même. Qui finalement n'est pas une suite sensée mais une respiration très sonore. Il faut jouer, sans but de résultat, uniquement pour rien. Sans penser à la carte que dessinera la peinture sur le papier blanc, sans penser à rien d'autre qu'à jouer.

6. Pour lui, pour Louis, toute pensée passe par le laboratoire du dedans.

Cela renvoie à nouveau à ce que disait Marine, une fois le ventre, la respiration, la concentration à l'appui, le texte a effectué un circuit intérieur et ressort deux fois plus grand, avec encore plus de sens.

7. Enfin, nous retiendrons qu'un acteur s'avance vers nous pour disparaître.

L'acteur n'existe plus, nous n'existons plus. Nous sommes le personnage, nous mettons au monde l'imaginaire de Novarina. Il dit d'ailleurs que le théâtre a été inventé pour brûler la nuit toutes les figures humaines, voilà donc le sens du théâtre pour lui, et voilà pourquoi ses personnages n'ont rien de réel, n'ont rien de nous les acteurs. Dans cette nuit qu'est la représentation, l'acteur meurt, il brûle à la lumière du spectateur et devient son personnage. Entrer en scène, pas pour se vider de ses mots, mais pour se suicider. Des suicidées entrent en scène !

Nataly et Jane

Petit bonus : une vidéo évoquant ce texte dans une autre m/s mais avec le même Pinon, dont on entrevoit la performance :

jeudi 16 décembre 2010

Séance du 16/12/10

Étant donné mon omniprésence sur le plateau ce jour là, je n'ai pas pu prendre de notes cependant je vais concentrer ce journal de bord sur un plan plus personnel. Je vais essayer au mieux de vous décrire les problèmes que j'ai rencontré, les questions que je me suis posée et comment j'ai essayé de les résoudre. J' exprime aussi les moments de travail qui m'ont plu.

Nous avons beaucoup avancé dans le texte de Novarina lors de cette séance, nous avons pratiquement atteint la fin. J'ai, je pense, bien compris comment attraper l'espace durant mes temps de parole cependant j'ai malheureusement encore du mal à assumer totalement mon rôle de Chantre. Je suis souvent sur scène même si je n'ai rien a dire et je ne sais, dans ces moments là, où me placer ou comment occuper l'espace. J'ai l'impression que je ne sers a rien, j'ai l'impression d'être en "carafe" car je reste statique et je me dis qu'il vaudrait mieux que je sorte de la scène. Après avoir longuement réfléchi à ce sujet, je me suis rappelée la fonction principale de mon rôle de Chantre. Les deux Chantres sont des narrateurs, ils assurent le récit, se sont des historiens. Nous faisons donc un travail sur la mémoire et notre discours est basé sur une perspective historique dont nous sommes les témoins. Après cette prise de conscience, je me suis donc dis que je pouvais réagir naturellement à ce qui se passe sur le plateau, beaucoup plus que mes camarades. Cela a été une révélation pour moi, je suis donc beaucoup plus à l'aise sur le plateau et je me sens ainsi beaucoup plus utile. J'ai aussi encore du mal à partager mon rôle avec Marine qui a la même fonction que moi! J'aimerais la prochaine fois essayer de partager plus de choses avec elle, qu'il y ait une sorte de complicité entre nous, une sorte de complémentarité.

Les moments où il a fallu me joindre aux autres pour effectuer des sortes de "tableaux collectifs" m'ont beaucoup plu car ils nous poussent a développer l'imaginaire, ce dont il faut sans cesse faire preuve avec la pièce de Novarina, c'est vraiment indispensable pour faire avancer notre travail.

Un peu de rythme.

Je ne sais plus quand nous avons parlé de rythme. Nous avions parlé de sonoriser nos actions gestes et paroles, le tout dans une sorte de dynamique. Il faut sentir cette dynamique de groupe.
J'ai cherché un petit peu et cela m'a fait penser d'une part aux défilés de podiums, les défilés de mode, où les mannequins défilent sur une musique rythmée. (Écoutez la première)
Cela me fait penser aussi au champ incantatoire ou aux danses traditionnelles africaines.
(Cliquez sur les liens)

Laissez bruler les ptit's papiers...


Pour notre" toile", il est évident que le papier nappe ne fonctionne pas, pas assez épais. Les petits rouleaux de papiers peints de largeur 52/53 cm sont moyens car le "collage" bout à bout donne un effet pas lisse. Le papier pré-peint de largeur 90cm et de 15m de long est plus efficace. Petit problème il est assez cher entre 15 et 20 euros le rouleau. On en trouve à Leroy Merlin et Castorama normalement.
Il en reste un complet en stock et deux entamer.

Recherches pour la pièce d'Agamemnon

Depuis que je suis sortie du lycée, je n'arrête pas de penser a Agamemnon, je sais que c'est très prématuré mais bon. Concernant l’évolution du drame, comprenant le meurtre d’Agamemnon et celui de Cassandre, j’avais pensé à cette musique : http://www.youtube.com/watch?v=SmijKjosplM&feature=related , bon elle est archi connue et je ne pense pas que cela peut nous être bénéfique dans notre travail, cependant elle reflète ma lecture personnelle de la pièce. J’ai écoutée les musiques proposées par Margot et elles sont très calmes, puis ensuite il y a comme un montée en puissance et cela correspond à la vision que j’ai de l’atmosphère de la pièce.

Ensuite, j’ai fait une recherche sur Scylla car elle était évoquée dans ma partition de Cassandre. Je sais que c’est une recherche personnelle, cependant j’ai jugé que cela pourrait aider « d’autres Cassandre » à la compréhension du texte.


Il s’agit d’une recherche Wikipédia :


Dans la

mythologie grecque

, ce nom est porté par plusieurs personnages, notamment :




Scylla, nymphe qui fut changée en monstre marin et associée à Charybde


:


Ces

deux figures constituaient une métaphore des dangers guettant les premiers marins grecs lors du franchissement d'un détroit considéré dans l'antiquité comme celui de Messine, au large de la côte de la Sicile. Un tourbillon y est causé par la confluence de courants, mais il est rarement dangereux. D'autres thèses proposent par ailleurs une origine au voisinage de la Grèce, sur sa côte nord-ouest, près de l'île Leucadeé, ou dans le Bosphore

 




Scylla fille de Nisos, princesse de Mégare, qui trahit son père par amour pour Minos


.


Alors que Minos assiège la ville de Mégare, il réussit à gagner la faveur de Scylla, fille du roi. Celle-ci, profitant du sommeil de son père, coupe la mèche de cheveux qui lui garantit l'immortalité et la sécurité de sa ville. Mégare tombe, mais Scylla, tourmentée par le remords, se métamorphose en aigrette.


Cette trame fait l'objet de nombreux motifs. La première occurrence de la légende se trouve dans

les Choéphores
d'
Eschyle. Le chœur énumère une liste de forfaits : le meurtre de Méléagre par sa mère Althée, le crime des Lemniennes

, meurtrières de leurs maris, ainsi que celui de Scylla, qui n'est pas nommée. Chez Euripide, Scylla est corrompue par Minos grâce à des colliers d'or crétois.


La seconde occurrence se trouve dans le Ciris (« l'Aigrette »), un poème attribué par les Anciens à

Virgile mais probablement apocryphe. Ici, Minos poursuit un dénommé Polyidos, qui prend refuge à Mégare. Les Moires prédisent que la ville ne tombera pas tant que Nisos conservera sa mèche. Parallèlement, Héra punit Scylla, coupable d'une offense à son encontre, en la rendant amoureuse de Minos : elle coupe la mèche, tuant ainsi son père. Finalement, elle est traînée derrière les bateaux de Minos, sans doute pour parricide, jusqu'à ce qu'Amphitrite, prise de pitié, la métamorphose en aigrette. Zeus transforme alors Nisos en aigle

, prédateur de l'aigrette.


Ovide livre ensuite la version la plus connue du mythe : Minos se rend à Athènes pour venger le meurtre de son fils Androgée par le roi athénien Égée

. En chemin, il assiège Mégare. Scylla, apercevant Minos des remparts de la ville, s'en éprend et coupe la mèche. Minos, horrifié, abandonne Scylla, qui se jette dans la mer. Son père et elle sont ensuite métamorphosés.

Agamemnon : la distribution en avant-première

Cet après midi nous ferons un point précis sur la distribution des partitions de texte dans Agamemnon que nous avons faite avec Marc en essayant de tenir au mieux compte de vos voeux.
Cela donne ça :
L'emissaire : p. 30-31 + p. 33-34 : Laurine et Valentine
Clytemnestre au retour d'Agammenon : p. 44-46 et p. 49-50 : Charlène, Elodie, Anastasia, Margot
Cassandra : p. 60-69 : Amanda, Clémence, Morgane, Marine, Agnès, Jane
Clytemnestre après le meurtre p. 72-75 : Camille, Alice, Nataly, Assia
Clytemnestre face à Egisthe : p. 85-87 : Cynthia
Il y a des coupes et des relais de parole parfois complexes qu'il faut préciser texte à la main.
Mais ce soir, vous repartirez avec vos partitions : il ne vous restera plus qu'à les apprendre.
Et à les apprendre pour la rentrée et rigoureusement : la traduction est en vers libre, mais en vers, il faut respecter le vers, le passage à la ligne et la ponctuation dès la phase de mémorisation, sinon il faudra tout détricoter...
Faites attention !!!

mercredi 15 décembre 2010

Messe pour peintures novarieniennes et eschyliennes


En travaillant sur Novarina, sur l'éloignement vis-à-vis du spectateur qu'Ariane Mnouchkine a réussi à retranscrire via un éloignement culturel, dit "exotique", je me suis rapellée d'un film qu'on a failli présenter en exposé avec Marine l'année dernière, Médée de Pasolini. Maria Callas y est très surprenante, et l'univers du film n'est pas tellement grec, plutôt berbere (barbare ?) ou en tout cas, assez oriental et tribal. Une source d'inspiration pour peindre la carte : des couleurs chaudes, qui rapellent la pierre des maison et du sol (ocre, marron, rouge, jaune d'or, noir...), et pour peindre les combis ? A vous de voir. Je vous ai mis un extrait du film qui m'a marqué, c'est une scène de sacrifice (ca m'a fait tilt en revoyant la mise d'Olivier Py) où on peut voir les costumes, l'aspect rituel des civilisations anciennes, et le jeune homme sacrifié est peint selon un code très précis. J'aime cet extrait car on pénètre dans un monde que l'on ne connait pas, mais où tout coule de source, où tout est fait avec solennité, habitude, chorégraphie, calme... Quand on rentre dans le monde d'Agamemnon, on est face à des traditions propres au peuple argien, mais on pourrait en dire autant de l'univers novarinien. Enfin vous me direz ce que vous en pensez, en tout cas ca m'inspire beaucoup pour le jeu des personnages dans la tragédie d'Eschyle.

mardi 14 décembre 2010

Proposition de sortie supplémentaire : voir du Novarina en vrai !


Nous avons l'opportunité via une ancienne professeur du Lycée (Mme Battle) d'aller voir Le Vrai sang, la dernière création de Novarina : elle dispose de places au tarif scolaire (9 euros) pour la représentation du dimanche 9 janvier 2011 à 15 heures au théâtre de l'Odéon où nous nous donnerions directement rendez vous.
Mais il faut faire vite : elle a besoin de savoir qui viendra d'ici la fin de la semaine pour en informer définitivement le théâtre.
Donc : si vous êtes intéressée, manifestez-vous via ce message en postant un commentaire.
A mon avis, c'est une opportunité à ne pas manquer : moi j'y serai !!!

vendredi 10 décembre 2010

Novarina : extraits d'entretiens sur ses dernières créations

Valère Novarina est l'auteur européen associé cette saison à l'Odéon Théâtre de l'Europe.
Il y a présenté une adaptation de son Opérette imaginaire, un de ses textes assez anciens qu'il a adapté pour une troupe de comédiens hongrois.
Or, ce qu'il dit au lien ci-dessous, à la fin de l'entretien, de la question du personnage et du rapport de l'acteur à son travail, de la pièce comme organisme vivant qui se construit devant nous, sur la parole extravertie nous intéresse directement :
(NB : Stanislavski est un metteur en scène russe du début du 20ème siècle, qui a monté les pièces de Tchekhov et qui a révolutionné l'art du comédien en promouvant un jeu investi, vériste, où l'acteur s'identifie à son personnage pour le construire, lui prête ses souvenirs et ses émotions, etc : cette école de jeu "réaliste" a donné naissance au fameux Actor's Studio américain qui a formé les plus grands acteurs comme Brando, De Niro, Al Pacino et est encore aujourd'hui dominante sur les scènes mondiales et au cinéma).
Extrait de la Lettre de l'Odéon, n°17, nov-déc 2010 : http://www.theatre-odeon.fr/fichiers/t_downloads/file_580_Lettre17.pdf

Novarina monte aussi sa nouvelle création Le Vrai sang à l'Odéon (le photo représente un détail de la scénographie de Philippe Marioge, le scénographe fidèle de Novarina, qui est aussi celui de L'Acte inconnu et qui est parti d'une toile de Novarina qu'on aperçoit en fond de scène) et dans l'entretien que vous trouverez au lien ci-dessous il explique sa manière d'écrire, la genèse d'une pièce et la place qu'y tient la peinture. En illustration, une de ses toiles récentes.
Extrait de la Lettre de l'Odéon, n° 18, jan-fév 2011 : http://www.theatre-odeon.fr/fichiers/t_downloads/file_597_Lettre18.pdf

JACKSON POLLOCK AU TRAVAIL : LE DRIPPING, L'ACTION PAINTING

En écho au cours d'hier, un document rare montrant le peintre américain Pollock au travail : observez la méticulosité de sa préparation, sa concentration, son oeil aux aguets et puis tout à coup, comment il se jette dans l'action de peindre (action painting : la toile comme trace d'une performance) comme dans une danse rituelle : il peint par coulures (dripping) et projections sans souci de représenter, mais entièrement investi dans une affaire de rythme, de tempo, de gestes, d'espaces. Peindre devient une cérémonie du corps et de l'esprit.
L'écho avec Novarina et avec notre travail est évident, non ?

jeudi 9 décembre 2010

JDB du 9 décembre 2010

Pour cette séance du 9 décembre, il n'y a pas que les couleurs qui se sont mêlées. Les idées et propositions en ont fait de même. Et je pense que pas mal de choses intéressantes en sont ressorties...
En première heure nous avons donc parlé de l'Acte Inconnu, dont le principe est la discontinuité. Tout le long du livre est fait de "renversements". En effet l'image qui me vient en y pensant est celle d'une balance. En plus de déchirer l'espace, il faut l'équilibrer, et pour cela trouver sa place, au bon endroit (s'il y a vraiment un "bon" endroit !). C'est personnellement ce qui me pose problème. Trouver ma place. Ce n'est pas la volonté qui manque, mais plutôt le corps qui se retient, qui me retient ; parce que je ne suis pas à l'aise avec celui ci, c'est comme si il ne faisait parfois plus parti de moi, alors il me bloque. Or dans Novarina, on ne retient pas le corps, au contraire ! Alors voilà la principale difficulté à laquelle je suis confrontée depuis que nous avons commencé à travailler sur l'Acte Inconnu. Je me demande si je suis la seule à avoir ce sentiment, que je ne suis pas assez imposante, et forte pour "déchirer l'espace", seule. Car c'est bien le fait d'être seule face à cette page blanche qui me fait peur. Nous sommes toutes passé par là, j'imagine, et bien sûr il faut se lancer, se jeter à l'eau, ou plutôt à la peinture dans le cas présent... Ce que j'essaye de faire, en étant consciente que je n'y suis pas encore. Mais je compte bien y parvenir, et laisser faire le corps en mettant un peu de côté l'esprit, pour une fois.


Jeudi dernier nous avons donc, pour la première fois, mit un peu de couleur au texte. Et pour cela nous avons bien vite réaliser que le matériel qui fonctionne est la peinture (donc pas de sable, ou encore de la neige!). Chacune les pieds dans sa bassine remplie de peinture, nous avons commencé à dessiner avec le corps sur cette page blanche, comme si c'était le premier pas de l'homme sur la lune (d'après Marc). Le but étant de laisser une trace de son passage. D'après moi ce principe est vraiment intéressant, il fait à la fois vivre le texte, et nous pousse à prendre conscience de nos mouvements, qui sont évidement essentiels. Marc nous a dit de nous inspirer des dessins de Claude Ponti, en voilà un :



Ce sont des dessins pour enfant. Et je pense qu'il faut en effet parfois prendre Novarina et la peinture entre nos mains avec l'imagination et l'innocence d'un enfant. Donc essayer de creuser en nous pour retrouver ce petit côté enfantin qui, je pense, ne disparait jamais tout à fait.

Nous avons aussi refait le début de la pièce, lors de la "présentation" des personnages. J'ai d'ailleurs eu l'impression d'en voir certains en regardant les dessins de Louis Soutter (peintre appartenant à l'art Brut).



Pour ce qui est du combat, nous pouvons nous inspiré de Jackson Pollock, mais ayant déjà un article dessus je ne m'éterniserai pas. En regardant ses peintures, j'ai réalisé qu'il y a un aspect important dans cela. Novarina dit à propos de son texte que "Ca ne raconte rien mais ça nous parle". Il en est de même pour ces dessins je pense. Et donc pour notre toile. Si celle-ci ne représente pas clairement quelque chose, ce n'est pas un problème au contraire. Plus que de "montrer", il faut suggérer, je crois. Libre à chacun d'y voir ce que son imagination lui permet...


Nous nous sommes posé de nombreuses questions à propos des couleurs par exemple, comment nous allions enchainer avec Agamemnon. Je pense qu'il est un peu tôt pour avoir des idées claires. Il faut peut être se lancer un peu dans le flou, même si ce n'est pas la bonne direction, car ce n'est jamais perdu, et nous en tireront toujours quelque chose de positif. Je me souviens de l'an dernier lorsque nous avons commencé à travailler sur notre projet Homère, nous pataugions (c'est le cas de le dire, pour cette année !), mais avons finalement proposé un beau spectacle ! Alors faisons nous confiance, cette année encore...

Journal de Bord - Séance du 9 décembre














Comme à chaque séance, durant la première heure nous nous retrouvons et nous parlons de diverses sujets: du journal de bord de la semaine, du blog, des idées nouvelles concernant notre projet, et c'est notamment le moment où chacune de nous peut parler aux autres de ses inquiétudes par rapport au travail ou encore des ses idées pour nourrir celui-ci. Assia a donc commencé par nous faire un résumé de son journal de bord. Il en est ressorti que les décalages (changement brutal de registre) ne devaient pas nous faire peur, bien au contraire. La pièce de Novarina est un montage, il a conçu L'Acte Inconnu comme un puzzle. Il faut bien prendre en compte, que le principe ici, est le de la discontinuité. Il faut que nous réussissions à trouver notre place, dans ce déploiement imaginaire. Notre équilibre, dans ce déséquilibre. Le décalage et la contradiction ne sont en rien des obstacles. De plus, nous ne devons pas non plus avoir peur de faire des erreurs, nous sommes dans un travail de recherche d'essai. Certes le Novarinien, est une écriture qui effraie, mais il faut la prendre de façon enfantine, première (référence à Claude Ponti, illustrateur et auteur de littérature de jeunesse connu cf.4ème image ci-dessus). Pour Novarina, il faut faire ressortir notre côté primitif. Il n'y a pas de traduction possible du Novarinien, la seul clé est l'imaginaire du comédien. Pour Novarina, le comédien est sa propre matière et c'est une histoire de corps avant tout. Nous avons rappelé qu'il ne fallait pas oublier que nous sommes des « Ouvriers du drame », et nous avons de nouveau fait référence à l'Art brut, qui est selon moi une chose essentielle à la compréhension de notre travail. En comprenant le principe de l'Art Brut, on comprend Novarina. Il ne s'agit pas de produire quelque chose de réaliste mais de laisser parler notre corps, et en l'occurence nos pieds. Assia nous a notamment aborder le thème du rytme, et du côté chorégraphique qu'il faut bien évidement inclure dans notre projet. Mais peut-être que la chorégraphie se met aussi déjà en place, de par l'expressivité de notre corps. Notre but est en quelque sorte d'accomplir une perfomance (multidisciplinaire). Les premiers pas que nous faisons sur la toile blanche, doivent être comme les premiers pas de l'homme sur la Lune, selon Marc. Nous avons également fait référence au peintre américain Jackson Pollok , qui a mis sa toile à terre et à transformer la peinture en une activité vraiment esthétique et corporelle, quasi-chorégraphique. Il crée des trajectoires sans le vouloir, et il fait donc beaucoup écho avec notre travail. Nous devons nous inspirer de ses performances et de ses oeuvres (cf.images 1 à 3 ci-dessus). Enfin nous avons commencer à parler de comment nous allions pouvoir enchaîner l'Acte Inconnu avec Agamenon d'Eschyle? Tout d'abord, les partitions de la pièce que nous garderons sont les suivantes: celle de l'émissaire, de Cassandre, Clytemnestre (à l'acceuil d'Agamemenon et après le drame) et Agamemnon (qui existera par les femmes), ainsi qu'Egisthe. Bref, nous nous sommes interrogés sur notre projet, afin de le faire avancer et de voir vers quoi nous nous dirigions. Nous avons ensuite fait la mise au point du matériel installé pour la séance et nous avons installé sur une grande bâche des laies de papiers peints blancs sur le sol afin de former une « toile » assez grande sur laquelle nous pourrions peindre avec nos peids, notre corps, et développer notre créativité.
Pendant les deux heures suivantes nous sommes donc passées à la pratique. Chacune de nous a rempli sa bassine de peinture d'une certaine couleur. Nous avons tout repris depuis le début, et nous avons dès le départ eu un problème technique : celui du papier, qui n'était pas du tout résistant à la peinture et à nos pieds. Mais ce n'était pas notre soucis premier: il fallait absolument se concentrer sur sa trajectoire. Les pieds baignant dans la peinture, nous laissions une trace derrière notre passage. Je me suis notamment rendu compte que lorsqu'on a les pieds pleins de peinture et que l'on sait que nous laissons une trace derrière nous, on est tout de suite plus concentré sur nos mouvements et sur ce que l'on fait. Il faut assumer pleinement ce que l'on fait, sinon ça ne peut pas marcher. Nous nous sommes rendus compte qu'en étant concentré sur sa trajectoire on ne réfléchit plus au texte : il sort tout seul. Nous restons dans le texte mais sans le penser. Un passage que j'ai beaucoup apprécié est celui de margot, lorsque toutes autour d'elle, nous la badigeonnions de peinture : grâce à la matière je trouve que ce passage a pris beaucoup plus d'ampleur, et le fait que nous fassions toutes la même chose en même temps montre bien l'harmonie qu'il existe entre nous. De plus au fur et à mesure que nous avançions une question primordiale s'est posé : quelles couleurs utilisées ? Primaires, complémentaires, noir et blanc, des mélanges ? Personellement je pense que les couleurs primaires et plus précisement les couleurs de fonds de carte sont à favoriser (bleu, jaune, vert, rouge/marron). Car il ne faut pas oublier que même si nous faisons de l'art abstrait, à la fin le but serait que notre toile puisse s'apparenter à une carte : pour que cela coïncide ainsi avec Agamemnon (le voyage et le retour d'agamemenon à Argos) et nous puissions enchaîner sur la tragédie grecque. Lors de la séance, nous avons utilisé des couleurs anodines d'une part, mais nous en avons surtout utilisé beaucoup trop. Et même si il vrai que je trouvais le fait que nous utilisions des couleurs très diversifiées pour Novarina, intéressant, cela correspond tout de même moins au monde d'Agamemnon. Je pense que pour avancer réellement dans notre travail et notre proposition, nous avons besoin de voir comment il se séquence. L'idée de verser une bassine de peinture complètement sur nous ou d'être badigeonner entièrement d'une même couleur afin d'incarner un personnage a notamment été évoqué, et je trouve que c'est une très bonne idée. Je vois très bien une Clytemnestre toute rouge, sanginolante, une Cassandre entièrement jaune, un Agamemnon tout en noir (et rouge), par exemple. Et ainsi nous ferions nous mêmes office de toile, de tableau : tout notre corps serait en jeu et mis en avant. Les personnages naîtraient sous les yeux des spectateurs, le but est de partie de zéro et de tout construire à vue.
Cette séance fut une séance « éclairage », nous avons en fait testé si notre projet était réalisable, et il l'est. Ce n'était qu'une ébauche. Nous n'avons pas pu allé jusqu'au bout, et aussi loin dans la proposition qu'il l'aurait fallu, mais nous avons pu faire une mise au point sur notre travail et notre jeu collectif, ainsi que sur ce vers quoi nous devions nous diriger. Cette séance a en effet permis de voir où nous en étions et pour ma part elle m'a beaucoup ouvert les yeux. Même si nous n'avons pas pu aller assez loin pour que je joue et que j'exploite ma partition de texte, j'ai tout de même sentit que mon imaginaire travaillait beaucoup plus avec la peinture: je n'avais qu'une envie c'est de créer, quoi je ne sais pas, mais de laisser ma trace et qu'elle soit la plus originale possible. Mais j'ai quand même au début eu un moment de « blocage », j'était un peu trop focalisé par la trace que mes pieds pouvait laisser, et du coup j'ai eu l'impression de moins faire attention à ce que je proposais sur le plateau. Comme si la peinture m'avait empêcher de vraiment me lâcher. Et je pense que cela c'est même ressentit au niveau de l'ensemble du groupe : la présence de la peinture a fait que nous n'avons pas pu dégager autant que les fois précédentes. Or la peinture est sensé donner plus de puissance à notre jeu. Je pense qu'il faut que l'on s'habitue à la matière et qu'on aprenne à jouer avec. Il ne faut pas que la peinture soit un obstacle. La peinture doit être un objet d'investissement, grâce auquel on doit s'engager encore plus. Et peut être aussi que si le résultat n'a pas donné grand chose, c'est que chacune, et moi la première, nous n'étions pas assez dans l'optique de créer une carte.

mercredi 8 décembre 2010

Extrait d'analyse Klaxon,Trompettes... et pétardes




Klaxon, Trompettes

et pétarades est une pièce satirique où de nombreux sujets sont critiqués et controversés tels que la politique ainsi que la figure du patron. Dans la mise en scène de Marc Prin, ces deux thèmes sont évoqués. Cependant suite à son partis-pris, la chirurgie esthétique à outrance est critiquée et définie comme une sorte de masque. Ce choix fait de la pièce de Dario Fo, une pièce comique dans laquelle on rit des sujets qui fâchent. En mettant en scène une pièce aussi engagée que celle-ci, nous pouvons nous demander comment utiliser le rire afin de dénoncer des sujets importants ? La place du spectateur est alors centrale. De plus il sagit dune pièce qui le concerne « obligatoirement » ne serait ce que dans la relation patron/employé. Pour dégager les partis pris et répondre à cette problématique, nous traiterons l'axe suivant : le côté bricolé de la pièce.


La scénographie est assez épurée. On peut alors penser que les seuls éléments scénographiques ont une importance et une place capitale car ce sont eux qui « créent » le décor. L

espace de jeu est délimité par quatre portes qui représentent différentes salles dun hôpital, celles-ci sont peintes en vert et sont sur roues. Il sagit dun détail important, car grâce à celles-ci nous pouvons tourner les portes et passer de lhôpital au salon de Rosa, les portes deviennent alors rouges. Le fait davoir choisie des couleurs différentes afin de représenter deux espaces aide le spectateur qui aide le spectateur à se retrouver dans cette confusion permanente qui domine la pièce. Suite à cette délimitation du plateau peu importe de part sa taille, nous accédons aux « coulisses » des comédiens, que ce soit dans les coulisses ou sur le plateau, les comédiens sont toujours à vue. Il y a alors deux représentations qui se jouent en quelque sorte. Nous voyons au premier plan lhistoire qui se déroule, et, au deuxième plan, les comédiens qui entrent dans un personnage ou qui passent dun personnage à un autre. Ce partis pris met en avant le bricolage du décor ainsi que celui des comédiens, puisquils sont en permanence en train dincarner des personnages différents. La seule barrière de la scénographie ne sont pas les portes mais notre imagination, le metteur en scène nous met à disposition les comédiens ainsi que lhistoire après cest au spectateur de rentrer dans le dispositif scénographique selon son imaginaire. De plus, la confusion entre Agnelli et Antonio est si importante que de surenchérir avec un décor lourd et imposant, pourrait nous faire perdre le fil. Quant au modelage des comédiens, celui-ci réside dans leur polyvalence à jouer plusieurs rôles. Chaque comédien interprète un rôle qui lui « appartient », cependant ils peuvent également jouer des seconds rôles. Par exemples, la comédienne qui joue Rosa se transforme afin d incarner le « policier transsexuel », ainsi que le comédien qui incarne Agnelli ,Antonio et un infirmier en même temps et Lucia le juge.Concernant le choix des comédiens, celui-ci est basé sur des stéréotypes. La comédienne qui joue Rosa, est petite et assez ronde et porte des robes simples voire banales. En prenant une comédienne au physique sans artifice et non superficiel, il est possible de s
identifier à son personnage. Le fait de prendre des comédiens qui vont à lencontre de leffet dévastateur du faux et des apparences, renforce la critique de la société qui nous pousse à lutilisation de produit, ou dartifices afin d être beau et jeune.



L

élément le plus flagrant du bricolage dans cette pièce est le visage du médecin qui est défiguré par la chirurgie. Le thème de la chirurgie esthétique, qui de nos jours prend une ampleur importante est poussée à lexcès. Celle-ci est tournée en dérision, car elle est utilisée dans la pièce à outrance, comme si il ny avait pas de limites. Le fil conducteur du rire est la surenchère, le médecin semble porter un masque alors quil sagit de son propre visage. Le fait que ce soit le médecin qui est défiguré, renforce la critique de la chirurgie à outrance, car ce sont les médecins qui construisent (ou détruisent) des visages. Le médecin rentre alors dans le cercle vicieux de la recherche de la perfection, ce qui devait être attirant devient repoussant voire effrayant, en obtenant leffet contraire le rire se déclenche aussitôt. Et cest en travaillant sur l excès et la surenchère que cette pièce peut dénoncer et critiquer certains aspects de la société.


 En conclusion, nous avons constaté que les principales armes du rire dans Klaxon, Trompettes

et pétarades sont la démesure, lincompréhension ainsi que la surprise. Tout en abordant des thèmes aussi importants que dérangeants, le spectateur nest pas mis à l écart de ce questionnement mais au contraire, il est invité à participer ne serait ce que par le rire.





 




 

Analyse de théâtre - Klaxon, trompettes et pétarades Fo/Prin/Nanterre

Klaxons, trompettes et pétarades, des acteurs décomplexés et mordants
J’ai eu un vrai choc en assistant à la mise en scène de Marc Prin, qui ébranle quelque peu une certaine conception rigide et « naphtalinée » du théâtre, qui parlent d’émotions et de faits parfois abstraits pour le spectateur, où il n’ya aucun contact. Ici c’est le contraire : même si le contexte des Années de Plomb date un peu, personnages et ce qu’ils ont à nous dire nous font rire autant qu’ils nous dérangent, car nous pourrions en croiser de tels aujourd’hui. A la surprise jubilatoire d’une théâtralité farcesque qui nous est peu connue, s’allie la réflexion.
La scénographie remarquable de simplicité et de pertinence de Marc Prin, totalement bricolée et laissant les acteurs en préparation « à vue » donne au spectateur une toute autre vision du comédien. En laissant les coulisses déborder sur l’espace de jeu, il semble nous dire que ces acteurs sont bien des acteurs, sans cesse au travail. Voir ce qui se prépare en amont , nous permet de mieux nous focaliser sur ce qu’ils nous racontent. Ils apprivoisent l’espace théâtral avec « les moyens du bord » : c’est un grand terrain de jeu, une piste de cirque ou bien une arène où ils sont rois, font rire ou bien réfléchir.
Le jeu des comédiens dans Klaxon, trompettes et pétarades nous surprend agréablement par sa grande richesse : possédant déjà un physique original, « une tronche » comme nous disait Marc, ils sont proches de nous, pas comme les stars sur papier glacé. Ce sont de vrais gens et jouent avec le corps sans s’embarrasser des convenances et cela crée le rire, ils sont très vivants. Parfois exagérées à l’extrême, les situations rocambolesques dans lesquelles ils se trouvent donnent à leur jeu un aspect de numéro de clowns, ils n’hésitent pas à créer un certain décalage dans leurs mouvements (par exemple le médecin qui se déplace en dansant, comme au music-hall). Très vite, grâce au texte lui-même et à la mise en scène de Marc Prin, il y a un phénomène de distanciation : les personnages s’adressent à nous directement et font régulièrement des retours en arrière, de leur propre initiative, pour commenter la situation en cours. Ils contrôlent le fil de l’action. A la fin, ils deviennent même narrateurs. Le côté théâtral transparait dans le fait que les acteurs incarnent plusieurs personnages et n’hésitent pas à se grimer. Ils utilisent des perruques, costumes et postiches qu’ils mettent et enlèvent « à vue » : c’est une démarche démystifiée et touchante des comédiens. Le toc et l’obscène (le visage refait du médecin par exemple) s’insèrent dans l’environnement rationnel et familier d’une salle d’opération ou d’un salon, et mine de rien nous parlent de cette aire de la chirurgie esthétique poussé à l’extrême dans le monde politique et du show-business, donnant au faux l’apparence du vrai et inversement. C’est un problème plutôt actuel, qui trouve un écho en nous. Grossissant le trait, à la manière des Guignols de CANAL +, les acteurs n’hésitent pas à déranger, et le rire devient jaune : au fond, ces clowns là ne sont pas sans nous rappeler des célébrités et hommes politiques de notre temps.



Analyse de théâtre - Klaxon, trompettes et pétarades Fo/Prin/Nanterre

Nous sommes assis, face à une scène déjà très vivante, bien qu’inanimée. Entre le bloc opératoire, l’appartement, les multiples dressings, la salle à manger, la chambre d’hôpital, l’espace cinéma. On ne s’ennuie pas. Tout est déjà à vue et l’on s’amuse à deviner à quoi chaque élément de cette scénographie rocambolesque renvoie dans la pièce. Nous connaissons la pièce et ses thèmes principaux, les grandes lignes de sa dénonciation, de son militantisme. Le « décor » présent fait penser à de la viande crue, tout est exposé et donné au spectateur avant même que celui-ci ne puisse le comprendre, tout est à vue, sans rideau rouge ni emballage conventionnel. C’est d’ailleurs ce que dit le metteur en scène, que comprendre Dario Fo c’est voir tout à l’ouvrage, sans masquer le grotesque ou le ridicule de l’acteur, c’est se laisser jeter dans l’arène. Alors quels sont les partis pris de Marc Prin qui visent à tout révéler, sans formes et conventions, afin de mieux servir la dénonciation de Dario Fo ?

Le parti pris du grotesque, de l’exagération, du rentre dedans dévoile bien des aspects de la pièce, mais aussi et surtout de la société actuelle. Ici, rien n’est suggéré, tout est dit clairement, crûment, aussi bien dans le texte théâtral traduit de l’italien que dans le jeu à proprement dit. Tout est « cash » comme on dit. On est à l’hôpital, les portes sont vertes et indiquent « Bloc opératoire » ou encore « Chirurgie maxilo-faciale » tout ça accompagné de bruitages hospitaliers. Chaque détail est maximisé afin de renforcer l’idée principale, le blessé est entièrement détruit, pulvérisé, son bandage est plus blanc que blanc, intégral au possible, le lit dans lequel il est allongé est affublé d’un attirail interminable et gigantesque. Même la chaise accentue l’aspect médical puisque bien que cela ne serve en l’occurrence à rien elle possède un pot en dessous. Rien n’est laissé au hasard, tout participe à l’ensemble rocambolesque. Encore plus impressionnant le fameux appareil visant à faire manger le malade ressemble cruellement à un appareil de torture, haut d’un mètre et très complexe, le metteur en scène ne lésine pas sur les moyens pour tout exagérer. Toujours dans l’univers médical la médecin en chirurgie faciale est masquée de pommettes qui la défigurent, elle est une espèce de bimbo sexy, une allumeuse toujours à moitié dénudée. Autant l’univers médical est accentué et disproportionné, en effet on se demande comment un homme détruit au possible comme l’est Agnelli ici peut survivre d’une part et retrouver toutes ses fonctions d’autre part, mais l’exagération sur le docteur en chirurgie plastique révèle une critique de l’apparence. Cette critique est justement proposée par la pièce de Dario Fo mais surtout mise en scène par Marc Prin puisqu’il sacrifie toute espèce d’apparence arrangée, botoxée, rajeunie. Il choisit de tout mettre à jour, de tout écorcher, de tout montrer dans la plus simple vérité. Au travers de ce masque et de ce sex-appeal dont est affublée la « médecin » il révèle à quel point l’apparence dont les gens se parent les pourrit, les rend faux et laids. En l’occurrence, si l’on est habillé comme un médecin, alors on est médecin, il dénonce cette société dont l’habit fait le moine. À quel point finalement, notre société actuelle prônant la beauté corporelle et la perfection entraîne le capitalisme et la perte des vraies valeurs. Quand on y regarde de plus près, cette pièce traite principalement de l’apparence physique et de tous les problèmes, toutes les confusions, tous les quiproquos, toute la haine qu’elles suscitent. Et tout ce que cette apparence signifie et renvoie de nous-même. Je pense que cette critique qui vise la société de ce culte physique en expansion s’adresse évidemment à la « haute classe » pour lui dire à quel point l’argent rend laid, pourrit et défigure, tandis que la classe ouvrière reste saine et vraie. Même les acteurs ici en sont le reflet, puisque les « riches » sont défigurés et les « pauvres » toujours beaux et véritables. D’ailleurs, la punition ultime du riche est de se voir déclassé, et c’est ce que subit doublement Agnelli, puisque tout le monde le croit mort, et qu’en plus il se retrouve sosie d’un de ses ouvriers, qu’il méprise profondément.

L’apparence est détruite ici, comme nous pouvons le voir et d’ailleurs, tous les tabous sont mis à jour puisque le metteur en scène nous montre des corps nus, des visages détruits, du sang, des radios. Tout ce qui est à jour est ce qui est d’habitude gardé dans la profondeur du secret, du tabou. Les fesses sont vulgarisées ici, ce masque vise à faire ressortir le fait que même la laideur s’achète aujourd’hui, croyant atteindre la beauté. Tout ce qui est montré dans la vérité est ce qui plus conventionnellement conservé dans le secret, dans les abysses, les radios montrées sur l’écran de cinéma en sont d’ailleurs la révélation. La science de mettre à jour la profondeur du secret. Mais finalement, tout cela n’est que le reflet de la vérité, puisque de nos jours les plus célèbres et ceux qui devraient être les plus respectés, comme les dirigeants politiques par exemple, sont sujets au plus grand nombre de scandales et se transforment ainsi en vedettes people, en animaux de cirque. Toute la pudeur et l’intimité est dévoilée, ici ce sont les tabous, les secrets qui sont découverts et rendus publiques.

Tout cela renvoie au sujet de l’apparence physique, donc aussi aux costumes, puisque ceux-ci sont très révélateurs de la condition sociale des personnages dans la pièce. Toujours dans une forme d’exagération, ou de vérité très marquée disons, les médecins sont en blanc, les infirmiers en vert, la classe ouvrière sous un tablier de cuisinier ou dans un blouson de cuir et les riches, voilà la morale, déguisés en pauvres, punis physiquement. La critique de cette société de classes et d’apparences est très présente au niveau des costumes et du jeu des acteurs, souvent caricatural, nous repensons notamment aux déplacements de la doctoresse, courant au ralenti dans la chambre d’hôpital.

Mais je pense que de manière plus contemporaine, cette critique de l’apparence et de la chirurgie plus précisément fait un (plus ou moins léger) clin d’œil à l’un des hommes politiques Italiens, Silvio Berlusconi. La justice est caricaturée, elle aussi, en une sorte de sorcière frigide. Mais finalement, la juge n’est pas celle qui fait appliquer la justice, tout comme le flic n’est pas celui qui résout l’affaire. L’aliénation des aides publiques : la justice se fait tirer dessus à deux reprises et n’exerce pas, tandis que le flic préfère fricoter avec la docteur dans le dos de la justice dupe plutôt que de résoudre l’affaire d’enlèvement. D’ailleurs les flics sont tournés en dérision, ils portent ici un masque représentant Michael Jackson, tout aussi refaits que les hommes politiques, tout aussi faux que les riches. Marc Prin montre ici à quel point la police a perdu en crédibilité, en justice, puisqu’elle écoute plus ses pulsions sexuelles que ses devoirs et qu’elle ressemble aux stars télévisuelles. Cet élément est déjà très présent dans la pièce, mais à l’aide de ces différents masques, Marc Prin l’actualise et nous le renvoie en pleine figure. Les « justes » sont réduis à l’état de machines sexuelles, de parfaits dupes, et plus personne ne fait son boulot, plus personne n’aide les autres. C’est chacun pour sa gueule, pour sa beauté, pour son plaisir et les plus bêtes se font éjecter (ou tirer dessus). Le pouvoir est dans les mains des plus vicieux, des capitalistes, et le bon côté de la balance se fait avoir. Voilà donc à la fois ce que dit la pièce, mais c’est surtout ce que fait ressortir le metteur en scène ici, en étant aussi franc et cru, en dirigeant des acteurs qui font abstractions des règles conventionnelles, qui jouent à toute allure, avec mille mouvements, que l’on voit se déshabiller en fond de scène, qui déshabillent l’apparence de la réalité cachée. Tout est explosif, les seringues sont énormes, comme pour dire que ce qui règne est l’anesthésie du peuple face à la gouvernance injuste et vicieuse, et les coups de fusils font sursauter, la violence calme et anéantit, elle domine la justice et l’assied. L’argent est égal au pouvoir qui l’utilise pour anesthésier et avoir les pauvres, et lorsque ceux-ci font appel aux instances de justices, la violence calme leur rébellion.

La scénographie en elle-même propose un système d’inversion de deux univers, de deux espaces, au travers des portes qui rappellent l’inversion de deux conditions sociales, donc des deux hommes, l’un ouvrier, l’autre patron. En effet, les portes, selon leur sens représentent soit l’hôpital, soit la maison de Rosa, ou encore l’univers pourrit des riches contre l’univers encore pur des pauvres. Mais cette utilisation double d’un même accessoire pour symboliser deux espaces aux antipodes l’un de l’autre révèle en réalité l’intrusion de l’un des univers dans l’autre et vis versa, ainsi que le mélange de deux catégories bien distinctes. Et c’est de ce mélange, de l’inversion d’Agnelli avec son ouvrier que naît le quiproquo et le sujet de l’histoire. Mais il ne faut pas oublier la deuxième partie de l’affaire qui est celle d’un homme machiste, trompeur et séducteur tiraillé entre deux femmes, l’une jeune et belle, l’autre plus vieille. La jeune et belle, Lucia appartient plutôt à l’univers riche (elle est « médecin »), tandis que Rosa s’ancre dans l’univers prolétaire. Il y a donc sans cesse, au travers de toutes les sous parties de cette pièce un tiraillement entre deux univers, une inversion et une intrusion perpétuelle d’un univers dans l’autre. Ainsi, une contamination des défauts d’un univers sur l’autre. En effet, le sujet de la contamination est assez présent dans cet univers médical sur représenté et très accentué. Et l’on remarque que ce mélange de « mondes » transforme les personnages, Antonio se met à agir comme son patron, à manipuler sa femme, à s’en aller vers une autre plus jeune, plus belle, à être attiré par ce monde de paillettes et de perfection, bien qu’il conserve toujours sa place chez Rosa. Et cette contamination, cet échange, ce tiraillement est symbolisé par les portes qui permettent justement aux personnages issus de l’autre monde d’entrer dans l’espace opposé. Ainsi, Rosa retrouve son amour pour Antonio dans l’univers de l’hôpital, mais finalement c’est d’Agnelli qu’elle s’éprend, de la même manière c’est par ces portes que les riches tels qu’Agnelli, le flic, la juge, la médecin entrent chez Rosa.

Le domaine du « faux » est toujours très présent et il agit comme une menace qui plane sans cesse au-dessus de la pièce, au travers de sa mise en scène Marc Prin révèle cette réalité et l’actualise. Le grand brûlé n’est en réalité qu’un mannequin que l’on trimballe dans tous les sens, que l’on maltraite alors qu’il est en soins intensifs, et lorsque celui-ci disparaît, puisque Agnelli reprend vie sous la forme d’Antonio, il est projeté en l’air et plane tout le long de la pièce au dessus des acteurs. L’apparence, le faux, le plastique et la perfection du mannequin est une menace qui plane et qui vise à nous transformer, à nous défigurer. Tant et tant que l’on croit reconnaître quelqu’un à ses mains ou à ses oreilles puisqu’il ne lui reste plus que ça de reconnaissable et que l’on se trompe. La tromperie des apparences, la domination du capitalisme, d’hommes politiques tous plus menteurs et faux les uns que les autres, voilà ce que dénonce cette mise en scène de manière contemporaine. Et ce mannequin qui plane semble dire que sous cette emprise du pouvoir capitaliste et vicieux d’aujourd’hui, nous finirons tous identiques et plastifiés, à l’image de ce mannequin. Un deuxième risque plane sur la pièce, un danger interne à l’histoire relatée, celui de la puissance politique. En l’occurrence la puissance des brigades rouges qui sont selon moi symbolisées par la voiture de couleur rouge placée en hauteur. Ce risque lié à la politique renvoie au parti pris précédent puisqu’il s’agit encore et toujours d’un certain type de politique qui aliène le peuple. À la seule différence que le communisme s’en prend au capitalisme dans le contexte de la pièce, mais qu’aujourd’hui c’est le capitalisme qui s’en prend au peuple et qui le domine.

Marc Prin utilise aussi la religion, qui est une valeur en perdition, dépassée par la consommation, pour dénoncer l’aliénation de la société. En effet, ce qu’il reste de la religion est l’aspect du rite sadique que nous retrouvons lors de la scène du repas, où le sang gicle. Et ce qui tombe à présent du ciel n’est plus Dieu, mais des journaux pour annoncer l’enlèvement de riches patrons d’industries esclavagistes. Dans cette société capitaliste même les valeurs sur lesquelles les hommes se sont construits sont aliénées. Et cette sculpture qui semble dominer, de manière spirituelle l’espace n’est absolument pas la figure de Dieu mais encore et toujours celle du patronat, de la richesse. Le nouveau Dieu des hommes est le capitalisme, les valeurs et croyances se réduisent à l’argent et au pouvoir.

Mais toutes ces dénonciations et tous ces partis pris sont mis en scène dans l’humour, le rire, le sang, la musique, la couleur… Bien que chaque élément renvoie à du sérieux et précis tout est organisé avec un certain comique tordant, toujours présent. Tout est justement fait dans le jeu, celui des acteurs qui sont à 200%. Le domaine du spectaculaire est très présent et prend un grand sens et une grande importance ici, il permet l’étonnement, le rire, le dégoût, l’attention du spectateur qui n’a pas une seconde de répit entre ce qui se passe sur l’avant-scène et ce qui se déroule en arrière plan, qui bien que moins crucial suscite sans cesse notre curiosité. Le sang, le sexe, le chant, le rire, tout cela combiné donne un résultat explosif et captivant.