dimanche 13 décembre 2009

Approche du burlesque

Le tuyau jaune enroulé en boucle de La Cantatrice chauve de Lagarce me pousse à vous parler du burlesque.
Car cette présence insolite et voyante est à mon sens un clin d'oeil de Lagarce au burlesque cinématographique dans une mise en scène qui fait par ailleurs des allusions incessantes à l'univers de Jacques Tati.
L'une des premières fictions cinématographiques est en effet un film burlesque de Louis Lumière intitulé L'Arroseur arrosé : le film date de 1895. Un tuyau d'arrosage y joue le premier rôle...

Qu'est-ce que le burlesque ?
Le mot vient de l'italien burlesco, venant de burla, « farce, plaisanterie ». Le burlesque est un art du décalage.
Il est lié aux origines du cinéma : les grands maîtres du burlesque appartiennent à l'ère du muet (Charlie Chaplin, Harold Loyd, Buster Keaton, Laurel et Hardy) même si certains metteurs en scène contemporains ont prolongé leur héritage au temps du parlant - comme Jacques Tati et son Monsieur Hulot ou Blake Edwards - il faut voir ABSOLUMENT The Party dont vous trouverez ci-dessous une scène d'anthologie.

Le film burlesque repose sur un enchaînement de gags qui déclenchent des catastrophes spectaculaires et délirantes. Partant d'une situation simple et quotidienne, le burlesque enfile les événements extraordinaires jusqu'à l'irrationnel sans jamais laisser la cohérence ou la "normalité" s'installer et reprendre ses droits. Le comique qu'il met en place est violent : chutes, coups, bagarres, poursuites.
La charge explosive du burlesque vient de sa dimension corrosive et satirique : agent corrupteur, facteur de désordre, le burlesque est d'essence anarchiste : il remet en cause l'ordre établi, fait tomber les masques et les décors des apparences convenables, affole les représentants de l'ordre social et politique. C'est pourquoi la victime récurrente du gag burlesque est un agent des forces de l'ordre.
Pour le plaisir et l'efficacité de la démonstration, un petit bijou du plus grand des burlesques selon moi : Buster Keaton ou l'art de semer la zizanie dans un défilé de policiers : c'est Cops, et ça date de 1922.

Dans sa mise en scène de La Cantatrice chauve, Lagarce convoque le burlesque par divers procédés : l'allusion cryptée (le fameux tuyau d'arrosage), la citation du cinéma de Jacques Tati (les costumes années 50, le jeu sur les couleurs), le gag visuel (le chapeau de la voisine au-dessus de la haie, l'apparition tronquée du capitaine des pompiers, l'écroulement du décor).
Et c'est par le burlesque qu'il réamorce la charge explosive de la pièce de Ionesco qui s'était diluée et engluée dans la ritournelle d'une mise en scène académique.

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