-Les chaises de Ionesco, mise en scène de Luc Bondy:
Les objets semblent petits dans un espace aussi grand, ce qui souligne la futilité des préoccupations quotidiennes et la vanité de la vie des personnages: "le comique est tragique et la tragédie de l'homme est dérisoire" (Eugène Ionesco). Ces objets peinent à remplir l'espace ainsi que la vie vide de sens des personnages. [...]
Puis le théâtre derrière le tulle s'illumine à l'arrivée de l'Empereur, cela pourrait être une lueur d'espoir cependant l'Empereur, Godot pour Becket, Dieu reste lui aussi invisible. Il n'y a toujours rien vers quoi se tourner pour donner un sens à la vie, à part peut être l'élément le plus voyant de la mise en scène: le théâtre.
-Klaxon, trompettes et pétarades de Dario Fo, mise en scène de Marc Prin:
On peut penser que comme Agnelli qui domine le monde publique, c'est Rosa qui est la chef une fois à la maison, mais que malgré cela elle n'est pas la femme forte et exubérante dont elle tente de se donner l'image. Cela fait tout de même ressortir une dimension féministe de la pièce. En effet les femmes dans cette pièce ont des caractères forts (Rosa), ont eût accès à une éducation prestigieuse, sont intelligentes et occupent des postes hauts placés (médecin, juge) tandis que le héros est ouvrier et que le patron et le commissaire sont présenté comme crapuleux et profiteurs. En effet avec un humour populaire cette pièce dénonce la corruption avec par exemple l'énorme statut d'Agnelli dans l'hôpital, le recours à la torture ou la réduction d'Agnelli au silence lorsqu'il commence à divulguer les secrets d'hommes politiques. Au contraire de cet aspect de la société, la pièce est mise en scène de façon à ne pas orienter le regard du spectateur. Celui-ci est libre de regarder où il veut: l'espace est grand et ouvert et même les coulisses sont à vue. Ainsi, en parallèle à l'histoire qui se déroule et où les personnages sont les protagonistes, le spectateur peut voir s'écrire l'histoire unique de la représentation dont les héros sont les acteurs. Il n'y a pas de "triche", on est bien au théâtre et cela fait spectacle tout autant que le récit d'Antonio. Le but est de montrer le travaille du comédien, de donner à voir en plus de la pièce, l'acteur en plein effort (comme un athlète). Ce qui au premier abord peut paraître contradictoire avec ce parti pris est la présence de masques. Tout est montré et ce qui est caché en dévoile encore plus. Le masque du policier met en évidence le fait qu'en réalité il est joué par une femme. Le policier devient à lui seule une critique de la société où il faut cacher les traits qui dérangent (ici l'homosexualité) pour ne pas être discriminé. Le médecin quant à elle souhaite cacher l'effet du temps mais expose ainsi ses peurs, ses complexes, ses blessures... [...]La pièce pose la question du communisme comme réponse à la lassitude des français mais montre surtout que l'une des meilleures solutions est le rire, la comédie et le théâtre.
-Ithaque, mise en scène de Jean-Louis Martinelli:
Ce que l'on remarque tout de suite est l'esprit spectaculaire de la pièce. Déjà au premier coup d'oeil: une grande plate forme avec des marches qui conduisent au lit de Pénélope et d'énormes colonnes grises, carrées et très urbaines. Au fil de la pièce on remarque également le grand nombre de comédiens présents ainsi que les réguliers changements de costumes. Seulement le spectateur ne s'arrête pas là, on note aussi beaucoup d'éléments inspirés du cinéma tels que l'utilisation de micros, d'effets spéciaux comme dans l'épisode des haches ainsi que l'emploi de la vidéo. Certains costumes également comme ceux de Télémaque et d'Ulysse parfois mais surtout d'Athéna peuvent rappeler les films hollywoodiens de gladiateurs. Athéna est celle qui concentre le plus la dimension spectaculaire, par ses costumes mais aussi par ses apparitions surprenantes comme dans une colonne/ascenseur ou volant au-dessus de la scène. [...]
Ce rapprochement avec l'industrie du film hollywoodien contribue à faire le lien entre la Grèce antique et le spectateur d'aujourd'hui, bien qu'il puisse avoir du mal à retrouver ce qui lui parle de lui dans cette mise en scène.
Le texte de Botho Strauss est également dans cette optique de modernisation. Il semble en effet traduit en "langue d'aujourd'hui", du quotidien. Ce texte rend peut-être ainsi la pièce plus accessible et plus proche du spectateur mais en soustrait tout le réseau d'images et de formules homériques, toute la poésie et du même coup, la puissance. Il en est de même d'Ulysse qui, comme le texte, est "vulgarisé", il n'est plus dans cette pièce le héros épique. On découvre à ce personnage beaucoup de défauts et de faiblesses, on savait Ulysse humain mais pas à ce point pathétique. Le héros est ici complétement démysthifié. Même le corps de l'acteur contribue à le descendre de son piédestal voire à le ridiculiser. Cependant il est difficile de savoir si cet effet est celui voulu par le metteur en scène. [...]
A l'inverse d'Ulysse, Pénélope retrouve de la prestance dans cette version. Elle n'est plus la femme passive bien que rusée. Elle est dans cette pièce, plus maîtresse de maison et moins assiégée bien que dominée et vulnérable. [...]
La pièce oscille entre éléments rappelant l'antiquité, contemporains, voire même futuristes.
Pour finir, la facette d'Ulysse que Martinelli et Botho Strauss veulent mettre en évidence, en plus de son humanité, est un Ulysse comédien: il trompe, ment, se déguise et se transforme pour réussir à être enfin lui-même.
En conclusion, avec Ithaque, Martinelli crée une pièce qui pourrait être ludique, attractive et accessible à tous avec un texte actualisé mais use peut-être d'un théâtre parfois un peu évident et illustratif. De plus, malgré de jolies trouvailles et quelques images poétiques, les deux moments attendus par le spectateur de cette fin d'Odyssée: le massacre et les retrouvailles sont cachés ou traités assez rapidement. Ainsi les éléments intemporels de cette pièce: les sentiments (amour, colère...) sont les plus éludés. De ce fait la pertinence du discours de cette mise en scène sur notre époque et notre société n'est peut-être pas évidente. Peut-être que si Martinelli avait eu moins de moyens à sa disposition, aurait-il développé plus d'astuces et d'images poétiques puisque les contraintes font grandir l'imagination et la créativité.
Ces deux extraits sont excellents Amanda, mais le premier est un poil court.
RépondreSupprimerIl n'est pas impossible de profiter de l'outil blog pour illustrer le propos et permettre au jury de mieux comprendre de quoi on parle s'il n'a pas vu le spectacle.