Etienne Revault "Corde en tête" 1991
Le travail sur le personnage de Cassandre:
Lors de cette séance, nous avons enfin travaillé sur le personnage de Cassandre, qui demeurait pour nous un mystère, tant nous avions du mal à nous imprégner du personnage. Nous sommes donc restées environ une heure sur le plateau, plongées dans la pénombre, à jouer. Nous avions au départ pensé à former un tout, car le personnage de Cassandre nous paraissait devoir être joué de manière unifiée, en groupe pour ne former qu'un seul et même corps. L'idée de briser cette unité nous paraissait vouloir dire briser le personnage et le diviser en plusieurs, soit perdre sa force. Mais on s'est rendu compte en réalité que la force de ce personnage était justement sa multiplicité (largement involontaire) notamment due à son emprise par les Dieux (Apollon) et donc son enfermement dans cette folie qui l'habite. Ainsi nous avons essayé pour la première fois d'être chacune enfermée dans cette terreur qui caractérise le personnage, et de jouer à distance les unes des autres. Nous devions nous fondre dans la pénombre en étant contre les rideaux de façon à ne laisser apparaître que nos têtes en contraste et réagir aux paroles des autres Cassandre. L'attention demandée est d'autant plus grande qu'il nous a fallu écouter avec une attention extrême les autres Cassandre, jusqu'à leur respiration, et s'entraîner à être le plus possible en symbiose, en fusion, afin de ne faire plus qu'un avec nos différentes particularités. Nous fonctionnons par "couple" de Cassandre et enchaînons des petites parties de textes les unes après les autres, j'ai été assez surprise du résultat de cette expérience, je suis en couple avec Agnès et nous étions tellement concentrées l'une sur l'autre, et tellement enfermées dans la folie du personnage que nous avons eu la même réaction. Nos gestes ont commencé à être assez similaires, nous étions chacune contre un rideau et nous nous sommes tournées vers le centre de la scène de la même manière, en nous écoutant, nous nous complétions tellement que nous agissions de la même façon.
Le fait de s'entraîner, d'écouter à plusieurs reprises le texte de chacune d'entre nous nous a permis de rentrer dans le personnage beaucoup mieux que si on pratiquait seule. Le personnage est défini par sa folie, et cette folie est accessible de manière bien plus évidente si l'on travaille ensemble. Je pense que la pénombre, notre présence à toutes et l'assemblage du texte nous a permis d'entrer dans l'isolement du personnage, toutes ensemble, par la compréhension et l'adhésion au texte de chacune d'entre nous. C'est une Cassandre mise à nue et aveuglée par ses visions qui s'est dégagée de notre interprétation. Elle est enchaînée à ses souvenirs terribles de la destruction de Troie, puis à ses visions imposées par Apollon, et enfin par sa peur et son désespoir. C'est le cheminement des états de Cassandre et l'image choisie (ci-dessus) la représente bien selon moi. Elle se met à nu, en se confiant, en dévoilant toutes ses visions, toute son histoire, mais reste enchaînée, vouée à son destin.
Lors de cette séance, nous avons enfin travaillé sur le personnage de Cassandre, qui demeurait pour nous un mystère, tant nous avions du mal à nous imprégner du personnage. Nous sommes donc restées environ une heure sur le plateau, plongées dans la pénombre, à jouer. Nous avions au départ pensé à former un tout, car le personnage de Cassandre nous paraissait devoir être joué de manière unifiée, en groupe pour ne former qu'un seul et même corps. L'idée de briser cette unité nous paraissait vouloir dire briser le personnage et le diviser en plusieurs, soit perdre sa force. Mais on s'est rendu compte en réalité que la force de ce personnage était justement sa multiplicité (largement involontaire) notamment due à son emprise par les Dieux (Apollon) et donc son enfermement dans cette folie qui l'habite. Ainsi nous avons essayé pour la première fois d'être chacune enfermée dans cette terreur qui caractérise le personnage, et de jouer à distance les unes des autres. Nous devions nous fondre dans la pénombre en étant contre les rideaux de façon à ne laisser apparaître que nos têtes en contraste et réagir aux paroles des autres Cassandre. L'attention demandée est d'autant plus grande qu'il nous a fallu écouter avec une attention extrême les autres Cassandre, jusqu'à leur respiration, et s'entraîner à être le plus possible en symbiose, en fusion, afin de ne faire plus qu'un avec nos différentes particularités. Nous fonctionnons par "couple" de Cassandre et enchaînons des petites parties de textes les unes après les autres, j'ai été assez surprise du résultat de cette expérience, je suis en couple avec Agnès et nous étions tellement concentrées l'une sur l'autre, et tellement enfermées dans la folie du personnage que nous avons eu la même réaction. Nos gestes ont commencé à être assez similaires, nous étions chacune contre un rideau et nous nous sommes tournées vers le centre de la scène de la même manière, en nous écoutant, nous nous complétions tellement que nous agissions de la même façon.
Le fait de s'entraîner, d'écouter à plusieurs reprises le texte de chacune d'entre nous nous a permis de rentrer dans le personnage beaucoup mieux que si on pratiquait seule. Le personnage est défini par sa folie, et cette folie est accessible de manière bien plus évidente si l'on travaille ensemble. Je pense que la pénombre, notre présence à toutes et l'assemblage du texte nous a permis d'entrer dans l'isolement du personnage, toutes ensemble, par la compréhension et l'adhésion au texte de chacune d'entre nous. C'est une Cassandre mise à nue et aveuglée par ses visions qui s'est dégagée de notre interprétation. Elle est enchaînée à ses souvenirs terribles de la destruction de Troie, puis à ses visions imposées par Apollon, et enfin par sa peur et son désespoir. C'est le cheminement des états de Cassandre et l'image choisie (ci-dessus) la représente bien selon moi. Elle se met à nu, en se confiant, en dévoilant toutes ses visions, toute son histoire, mais reste enchaînée, vouée à son destin.
Jane
Comme à notre habitude nous avons parlé en cercle à la première heure des problèmes administratifs ou encore les journaux de bord. A retenir: lorsque l'on installe la bâche c'est comme si c'était la page blanche dont Novarina parle; c'est comme un rituel, on doit en prendre grand soin, jusqu'à faire attention au son produit.
Par ailleurs nous avons parlé de la maîtrise de soi lors des « accidents », du à un changement de contrainte (comme pour les Cassandre) : c’est ce moment là qui est le plus intéressant, tant pour le spectateur que pour l’acteur. « Au théâtre on prend des risques mais pas de dangers ». Malgré la peur il faut prendre du plaisir. Tout le monde connaît le texte mais tout dépend de l’interprétation que l’on en fait. Novarina dit que le texte doit être « sur-su », pour ainsi savoir inventer et réinventer, ne pas refaire les mêmes choses, mais créer, proposer, il faut aller jusqu’au bout des propositions, gestes, mouvements… Le public doit être émerveillé mais il faut aussi se découvrir soi-même.
Nous avons ensuite évoqué la question de l’insertion de Matamore et de la fin de la représentation. Ne pas oublier que Matamore n’existe que dans le langage (Rapprochement avec les Machines de Novarina ?..). On ne cherche pas une cohérence narrative mais dramaturgique ; il faut qu’il y ait un sens. Après l’émotion forte des spectateurs, suite au dernier épisode (Clytemnestre et Egisthe), nous pourrions nous relever (et on entendrai l’éloge du théâtre faîte par Alcandre), c’est alors que l’on participera à « l’Illusion Comique », le spectateur croit à ce qu’il voit puis éprouve la même sensation que Pridamant quand Clindor, qu’il croyait mort, se relève.
En deuxième et troisième heure nous avons travaillé les Cassandre et Clytemnestre et les cadavres sur le plateau.
En plus des contraintes précédentes, (à savoir faire une entrée seule et discrète, effectuer une trajectoire dans l’espace, laisser son corps guidé par le texte et aller au bout de ce que l’on a amorcé), nous en avons pris une nouvelle pour les Cassandre : il faut pouvoir se dire que l’on va mourir dans un quart d’heure en quelque sorte. Pour ma part cela m’a beaucoup aidé, j’ai bien senti en moi cette émotion horrible, savoir qu’au bout du couloir c’est la mort, être condamnée, cette angoisse pesante, mais inutile, car il ne sert a rien de fuir... Je trouve que cet épisode est de mieux en mieux ! Tant pour moi que pour l’ensemble des six filles, nous nous laissons plus guider par le texte et nous sommes bien plus à l’écoute les unes des autres, même si évidemment nous pouvons encore faire mieux. Je pense aussi que la question de la transe est à revoir, à approfondir, il faut vraiment aller au bout des mouvements et assumer tous les gestes et enfin arriver à montrer aux spectateurs que l’on a des visions…
Pour finir je trouve aussi que l’épisode de Clytemnestre et des cadavres est bien mieux ; même si la musique est forte en émotions il faut savoir être au dessus, et ne jamais oublier de ne pas se pencher mais toujours rester droite ; Clytemnestre est une reine, presque une déesse (fille de Zeus), elle doit donc rester forte et garder une certaine dignité, et ce malgré le crime accompli, il doit être assumé.
Par ailleurs nous avons parlé de la maîtrise de soi lors des « accidents », du à un changement de contrainte (comme pour les Cassandre) : c’est ce moment là qui est le plus intéressant, tant pour le spectateur que pour l’acteur. « Au théâtre on prend des risques mais pas de dangers ». Malgré la peur il faut prendre du plaisir. Tout le monde connaît le texte mais tout dépend de l’interprétation que l’on en fait. Novarina dit que le texte doit être « sur-su », pour ainsi savoir inventer et réinventer, ne pas refaire les mêmes choses, mais créer, proposer, il faut aller jusqu’au bout des propositions, gestes, mouvements… Le public doit être émerveillé mais il faut aussi se découvrir soi-même.
Nous avons ensuite évoqué la question de l’insertion de Matamore et de la fin de la représentation. Ne pas oublier que Matamore n’existe que dans le langage (Rapprochement avec les Machines de Novarina ?..). On ne cherche pas une cohérence narrative mais dramaturgique ; il faut qu’il y ait un sens. Après l’émotion forte des spectateurs, suite au dernier épisode (Clytemnestre et Egisthe), nous pourrions nous relever (et on entendrai l’éloge du théâtre faîte par Alcandre), c’est alors que l’on participera à « l’Illusion Comique », le spectateur croit à ce qu’il voit puis éprouve la même sensation que Pridamant quand Clindor, qu’il croyait mort, se relève.
En deuxième et troisième heure nous avons travaillé les Cassandre et Clytemnestre et les cadavres sur le plateau.
En plus des contraintes précédentes, (à savoir faire une entrée seule et discrète, effectuer une trajectoire dans l’espace, laisser son corps guidé par le texte et aller au bout de ce que l’on a amorcé), nous en avons pris une nouvelle pour les Cassandre : il faut pouvoir se dire que l’on va mourir dans un quart d’heure en quelque sorte. Pour ma part cela m’a beaucoup aidé, j’ai bien senti en moi cette émotion horrible, savoir qu’au bout du couloir c’est la mort, être condamnée, cette angoisse pesante, mais inutile, car il ne sert a rien de fuir... Je trouve que cet épisode est de mieux en mieux ! Tant pour moi que pour l’ensemble des six filles, nous nous laissons plus guider par le texte et nous sommes bien plus à l’écoute les unes des autres, même si évidemment nous pouvons encore faire mieux. Je pense aussi que la question de la transe est à revoir, à approfondir, il faut vraiment aller au bout des mouvements et assumer tous les gestes et enfin arriver à montrer aux spectateurs que l’on a des visions…
Pour finir je trouve aussi que l’épisode de Clytemnestre et des cadavres est bien mieux ; même si la musique est forte en émotions il faut savoir être au dessus, et ne jamais oublier de ne pas se pencher mais toujours rester droite ; Clytemnestre est une reine, presque une déesse (fille de Zeus), elle doit donc rester forte et garder une certaine dignité, et ce malgré le crime accompli, il doit être assumé.
Agnès
Très bien Jane, des choses essentielles sont dites et comprises : le secret de l'écoute de l'autre. Un palier est franchi.
RépondreSupprimerL'image : il manque la source.
Journal de bord du jeudi 17 mars
RépondreSupprimerComme à notre habitude nous avons parlé en cercle à la première heure des problèmes administratifs ou encore les journaux de bord. A retenir: lorsque l'on installe la bâche c'est comme si c'était la page blanche dont Novarina parle; c'est comme un rituel, on doit en prendre grand soin, jusqu'à faire attention au son produit.
Par ailleurs nous avons parlé de la maîtrise de soi lors des « accidents », du à un changement de contrainte (comme pour les Cassandre) : c’est ce moment là qui est le plus intéressant, tant pour le spectateur que pour l’acteur. « Au théâtre on prend des risques mais pas de dangers ». Malgré la peur il faut prendre du plaisir. Tout le monde connaît le texte mais tout dépend de l’interprétation que l’on en fait. Novarina dit que le texte doit être « sur-su », pour ainsi savoir inventer et réinventer, ne pas refaire les mêmes choses, mais créer, proposer, il faut aller jusqu’au bout des propositions, gestes, mouvements… Le public doit être émerveillé mais il faut aussi se découvrir soi-même.
Nous avons ensuite évoqué la question de l’insertion de Matamore et de la fin de la représentation. Ne pas oublier que Matamore n’existe que dans le langage (Rapprochement avec les Machines de Novarina ?..). On ne cherche pas une cohérence narrative mais dramaturgique ; il faut qu’il y ait un sens. Après l’émotion forte des spectateurs, suite au dernier épisode (Clytemnestre et Egisthe), nous pourrions nous relever (et on entendrai l’éloge du théâtre faîte par Alcandre), c’est alors que l’on participera à « l’Illusion Comique », le spectateur croit à ce qu’il voit puis éprouve la même sensation que Pridamant quand Clindor, qu’il croyait mort, se relève.
En deuxième et troisième heure nous avons travaillé les Cassandre et Clytemnestre et les cadavres sur le plateau.
En plus des contraintes précédentes, (à savoir faire une entrée seule et discrète, effectuer une trajectoire dans l’espace, laisser son corps guidé par le texte et aller au bout de ce que l’on a amorcé), nous en avons pris une nouvelle pour les Cassandre : il faut pouvoir se dire que l’on va mourir dans un quart d’heure en quelque sorte. Pour ma part cela m’a beaucoup aidé, j’ai bien senti en moi cette émotion horrible, savoir qu’au bout du couloir c’est la mort, être condamnée, cette angoisse pesante, mais inutile, car il ne sert a rien de fuir... Je trouve que cet épisode est de mieux en mieux ! Tant pour moi que pour l’ensemble des six filles, nous nous laissons plus guider par le texte et nous sommes bien plus à l’écoute les unes des autres, même si évidemment nous pouvons encore faire mieux. Je pense aussi que la question de la transe est à revoir, à approfondir, il faut vraiment aller au bout des mouvements et assumer tous les gestes et enfin arriver à montrer aux spectateurs que l’on a des visions…
Pour finir je trouve aussi que l’épisode de Clytemnestre et des cadavres est bien mieux ; même si la musique est forte en émotions il faut savoir être au dessus, et ne jamais oublier de ne pas se pencher mais toujours rester droite ; Clytemnestre est une reine, presque une déesse (fille de Zeus), elle doit donc rester forte et garder une certaine dignité, et ce malgré le crime accompli, il doit être assumé.