Aujourd'hui, nous sommes le 31 Mars 2011, et notre séance de pratique est un peu particulière étant donné que nous faisons un filage complet des épisodes d'Agamemnon, clôturant ainsi pour quelques temps notre travail sur cette œuvre. Avant cela, nous avons commencé par un exercice qui consistait à clamer le texte très simplement, en ayant pour unique contrainte de dire tous les mots, en les articulant au maximum, et en allant très lentement. Cet exercice avait pour but de nous familiariser avec le texte, de nous donner confiance en celui-ci. Nous avons pour une fois abandonné tout le jeu lié à nos personnages, afin d'être uniquement dans la parole. Effectivement, une erreur commise pas beaucoup d'entre nous est de plaquer une émotion dès l'abordage de notre personnage. Une émotion que nous croyons être la bonne, comme un état dans lequel serait le personnage. Ceci est une fermeture au texte qui ne produit plus de sens, mais est enfermé dans l'idée que nous nous faisons de ce que doit être notre personnage. Le fondement de l'exercice est justement de nous sortir de cela. Il faut partir du texte, afin de produire du sens quant au personnage, ainsi, la signification des mots nous entraine, nous, acteurs, dans un état d'abandon qui construira notre personnage. Le terme "on" est employé à juste titre car il n'existe pas une seule interprétation d'un personnage, mais chaque comédien créé sa propre vision de celui-ci. Il met son humanité au service du personnage, de telle sorte que chaque imagination et donc interprétation est différente. C'est ce qui créé la grande richesse du théâtre. Hamlet, joué des dizaines et des dizaines de fois, est à chaque mise en scène, et je dirais même à chaque représentation un Hamlet différent. Il faut se laisser submerger par le texte, car c'est lui qui produira du sens face au personnage. Par ailleurs, le personnage n'est rien d'autre qu'un texte. On ne sait de lui que son sexe, son âge, et quelques informations, mais il est essentiellement la production des mots qu'il va prononcer. Il faut donc partir du texte pour fabriquer une interprétation et non l'inverse. C'est pourquoi cet exercice était formateur. La lenteur et l'articulation excessives étaient une contrainte a priori facile, mais sur le plateau, on remarque que cela demande un effort et une forte concentration. Elles ne viennent pas naturellement. De plus, j'ai remarqué que malgré cette exigence, on retrouvait des petits bouts de partitions que nous disions de la même façon que lorsque nous étions en jeu. Notre habitude reprenait le dessus. Personnellement, j'ai trouvé que cet exercice était très intéressant et surtout très instructif. Il nous a tous permis, je crois, de mieux comprendre le texte, que se soit notre partition, ou celles des autres. Nous avons entendu des choses que nous n'avions pas encore entendu.
Par la suite, nous avons fait un deuxième exercice qui était celui de la respiration ventrale. Le principe était de se mettre sur le dos et de contrôler nos respirations afin d'amplifier notre voix sur le plateau. C'est un exercice très technique, mais aussi très important. L'exercice était précédé d'un travail de relaxation, basé sur la visualisation intérieure de chaque partie de notre corps. Il avait pour but de nous faire prendre conscience de tout notre corps, une gymnastique mentale que nous devons opérer à chaque seconde sur scène. Elle nous permet d'avoir une précision du corps décisive. De plus, ces exercices de relaxation nous font rentrer dans une concentration très précieuse pour la suite de notre séance, le filage d'Agamemnon.
C'est d'ailleurs avec celui-ci que nous avons continué notre séance. Les premiers dans la conduite sont les émissaires, et c'est précisément ma propre partition avec Laurine. Nous avions un peu peur de commencer, car même si ce n'est qu'un filage, c'est tout de même important et impressionnant. La difficulté principale que nous avons avec Laurine, c'est de redécouvrir et revisiter à chaque fois notre parcours. De part notre parti pris face au personnage de l'émissaire (les siamois), nous sommes obligées de chorégraphier tous nos mouvements. Ainsi, nous avons tendance à nous reposer sur ceux-ci, et à les rendre trop prévisibles. Ils manquent de spontanéité. Au sortir de ce filage, nous savons qu'il faut travailler sur ce problème. Il faut que toutes les deux, nous trouvions une harmonie dans nos mouvements, afin de redécouvrir notre partition à chaque fois. Les premières Clytemnestre sont les deuxièmes à intervenir et personnellement, j'ai trouvé leur prestation très impressionnante. C'est la première fois que nous assistions à une telle intensité de leur part à toutes. Chacune n'était ni trop au dessus, ni trop au dessous. Elles avaient une magnifique écoute entre elles, de telle sorte que leur texte était fluide et bien enchaîné. Cette harmonie s'est notamment sentie dans leur entrée, lorsque pour la première fois, elles ont soulevé et lâché le rideau parfaitement ensemble. Nous avions face à nous un véritable cœur de Clytemnestre. Vint ensuite les Cassandre. Celles-ci ont réussi à trouver une union fantastique, car chaque Cassandre était le fruit d'un travail personnel de la comédienne, de telle sorte que nous étions confrontés à des Cassandre toutes différentes les unes des autres. Chacune a réussi à trouver sa place dans ce travail collectif, ce qui est difficile quand on doit s'intégrer à un chœur de sept personnes. Malgré leur particularité, elles étaient en harmonie toutes ensemble, s'écoutant les unes les autres, et se nourrissant chacune de la proposition de l'autre, trouvant un équilibre entre elles. Néanmoins, je pense qu'il faut faire attention à ce que leur contrainte (la boîte noire) ne devienne pas pénalisante, en se cachant derrière le rideau, c'est à dire en le prenant comme couverture pour ne pas se montrer sur scène. Je pense qu'elles devraient, lorsqu'il s'agit de leur partition, s'avancer plus sur la scène et trouver leur parcours, leur trajectoire propre, en osant tout de même entrer dans la lumière. Les deuxièmes Clytemnestre, celles de l'eccyclème, sont les troisièmes de la conduite Agamemnon. Comme toutes les autres scènes, nous avons assisté à une harmonie assez inédite. Chacune des Clytemnestre avait pris confiance en elle, nous donnant des images très fortes, comme l'entrée de Nataly et d'Alice avec le corps d’Agamemnon. Quant à la dernière Clytemnestre, c’est sans doute celle que nous avons le moins travaillé pour le moment, mais nous avons réussi à donner une image puissante et significative à la scène, tout en la combinant avec nos attentes pour la fin du travail, c’est à dire être tous sur scène pour pouvoir ensuite la quitter sur l’éloge Cornélien du théâtre. En conclusion de ce filage, nous avons tous été agréablement surpris de l’endroit du projet où nous étions. Aucune scène n’est en retard, et chacune est bien entamée dans le travail. Nous avons une partition d’Agamemnon qui est pour l’instant plutôt convaincante, même si elle demande encore du travail.
Encore un jdb d'excellente tenue, Valentine.
RépondreSupprimerLe début notamment, sur la question de la relation entre l'acteur et le personnage, est très pertinent.
Sans les fautes, parfois énormes (choeur ! et pas coeur, par ex), ce serait parfait...