mercredi 8 décembre 2010

Analyse de théâtre - Klaxon, trompettes et pétarades Fo/Prin/Nanterre

Klaxons, trompettes et pétarades, des acteurs décomplexés et mordants
J’ai eu un vrai choc en assistant à la mise en scène de Marc Prin, qui ébranle quelque peu une certaine conception rigide et « naphtalinée » du théâtre, qui parlent d’émotions et de faits parfois abstraits pour le spectateur, où il n’ya aucun contact. Ici c’est le contraire : même si le contexte des Années de Plomb date un peu, personnages et ce qu’ils ont à nous dire nous font rire autant qu’ils nous dérangent, car nous pourrions en croiser de tels aujourd’hui. A la surprise jubilatoire d’une théâtralité farcesque qui nous est peu connue, s’allie la réflexion.
La scénographie remarquable de simplicité et de pertinence de Marc Prin, totalement bricolée et laissant les acteurs en préparation « à vue » donne au spectateur une toute autre vision du comédien. En laissant les coulisses déborder sur l’espace de jeu, il semble nous dire que ces acteurs sont bien des acteurs, sans cesse au travail. Voir ce qui se prépare en amont , nous permet de mieux nous focaliser sur ce qu’ils nous racontent. Ils apprivoisent l’espace théâtral avec « les moyens du bord » : c’est un grand terrain de jeu, une piste de cirque ou bien une arène où ils sont rois, font rire ou bien réfléchir.
Le jeu des comédiens dans Klaxon, trompettes et pétarades nous surprend agréablement par sa grande richesse : possédant déjà un physique original, « une tronche » comme nous disait Marc, ils sont proches de nous, pas comme les stars sur papier glacé. Ce sont de vrais gens et jouent avec le corps sans s’embarrasser des convenances et cela crée le rire, ils sont très vivants. Parfois exagérées à l’extrême, les situations rocambolesques dans lesquelles ils se trouvent donnent à leur jeu un aspect de numéro de clowns, ils n’hésitent pas à créer un certain décalage dans leurs mouvements (par exemple le médecin qui se déplace en dansant, comme au music-hall). Très vite, grâce au texte lui-même et à la mise en scène de Marc Prin, il y a un phénomène de distanciation : les personnages s’adressent à nous directement et font régulièrement des retours en arrière, de leur propre initiative, pour commenter la situation en cours. Ils contrôlent le fil de l’action. A la fin, ils deviennent même narrateurs. Le côté théâtral transparait dans le fait que les acteurs incarnent plusieurs personnages et n’hésitent pas à se grimer. Ils utilisent des perruques, costumes et postiches qu’ils mettent et enlèvent « à vue » : c’est une démarche démystifiée et touchante des comédiens. Le toc et l’obscène (le visage refait du médecin par exemple) s’insèrent dans l’environnement rationnel et familier d’une salle d’opération ou d’un salon, et mine de rien nous parlent de cette aire de la chirurgie esthétique poussé à l’extrême dans le monde politique et du show-business, donnant au faux l’apparence du vrai et inversement. C’est un problème plutôt actuel, qui trouve un écho en nous. Grossissant le trait, à la manière des Guignols de CANAL +, les acteurs n’hésitent pas à déranger, et le rire devient jaune : au fond, ces clowns là ne sont pas sans nous rappeler des célébrités et hommes politiques de notre temps.



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