Nous sommes allés voir deux fois Klaxon Trompette et Pétarade de Dario Fo, une pièce qui fait passer un fort message par le rire. C'est un vaudeville qui dénonce et tourne en dérision le capitalisme. Une farce qui m'a un peu rappelé La Farce de Maïtre Pathelin, ou encore Molière avec Dom Juan sur lequel nous avions travailler. Ici encore une fois le trompeur est trompé, l'arroseur est arrosé. La pièce a été écrite durant les années 80, les "années de plomb" en Italie, peu de temps après l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro par un groupe de terroristes d'extrême gauche. C'était une pièce très engagé à l'époque, elle pose cependant des problèmes qui sont encore bien d'actualité. La lutte des classes est peut être moins forte, néanmoins elle est toujours présente. Tous les jours, il nous est montré, à la télévision particulièrement, qu'il faut être beau et riche pour réussir sa vie. Toutes les décisions, réformes prisent de nos jours visent à abrutir les gens, leur effacer toute culture. Mais dans cette pièce, c'est bien la culture, l'art qui va dénoncer cela. On en rit, et je pense que plus nous comprenons et sommes touchés, plus nous rions fort... Nous allons voir dans un premier temps, comment cette pièce dénonce, tout en passant par le rire, ensuite nous verrons comment celle ci tient le spectateur jusqu'au bout.
Le décor est simple, sans artifices, bricolé. Quatre portes sans mur délimitent l'espace dans lequel se déroule l'histoire, cependant au delà de ces murs imaginaires, ce qu'on pourrait appeler les coulisses, sont apparentes. Tout est à vue, il y a seulement 5 acteurs pour 12 personnages, et ce sont eux qui déplacent les décors, devant les yeux du spectateur, ce sont même eux qui vont créer un petit « intermède », lorsqu'on change d'acte, en chantant une chanson italienne. Tout est créé, et mit en vie par ces 5 acteurs, qui tiennent jusqu'à la fin la pièce à bout de bras. On peut voir qu'il y a un fort travail d'équipe derrière cela, pour que la pièce fonctionne à ce point. Et c'est en effet je crois l'une des idées défendues par cette pièce. Il n'y a pas besoin de milles artifices modernes, pour faire vivre la pièce, on peut en créer une avec de simples éléments, c'est ce qui la rend encore plus vraie, et sincère.
Les personnages ont tous un physique assez marqué. Façon dessin animé, comme des mannequins... Certains m'ont rappelé les personnages de Tim Burton, dont chaque aspect du physique est tiré au maximum, comme le long nez de la juge par exemple, et qui vont parfois jusqu'à faire « peur », ou comme Antonnio qui est grand et mince et Rosa qui est plutôt petite. Certains personnages sont naturels et font contrastes avec d'autres très caricaturés, tirés vers le faux ; dans le cas de la médecin par son masque, par exemple. Il est clairement montré ici comment la chirurgie esthétique peut totalement déshumaniser une personne, et au contraire de la rendre artificiellement belle, la rendre quasiment effrayante. C'est comme si le plastique empêchait les émotions de passer par le visage, le corps, tant celui-ci est faussé. On appelle cela la chirurgie « réparatrice », mais elle a finalement l'effet inverse... Mais ces masques ont beau cacher, ils nous dévoilent finalement la nature et la personnalité de la personne. J'avais lu une phrase de Ralph Waldo Emerson un philosophe qui disait "Notre société est comme un bal masqué, chacun y cache sa véritable nature et elle est révélée par le choix de son masque." Je pense que cela traduit assez bien l'idée.
La question du pouvoir apparaît dans cette pièce ; à qui celui-ci appartient, est-il si puissant? Ici la figure du pouvoir va être totalement écrasée, voir humiliée. Le buste d'Agnelli domine la scène dans l'hôpital durant le premier acte, et pourtant personne au sein de ce service de chirurgie ne se doute que le blessé pourrait être lui.
Les décors sont modelables simplement, rapidement. Il suffit de tourner les quatre portes qui se trouvent aux extrémités, et nous ne sommes plus dans un hôpital, mais dans la maison d'Antonio et de Rosa. A la fin de la pièce, nous ne savons même plus où nous sommes ; il y a à la fois les deux portes rouges de la maison, et les deux portes vertes de l'hôpital. Tout ce « fouillis » met en image la confusion qui se trouve dans la situation, et dans l'esprit des personnages et du spectateur, brouillés par toutes les ambiguïtés de l'histoire. Encore que le spectateur est finalement le moins trompé par toutes ces duperies, l'arrière de la scène étant clairement montré à celui-ci. C'est ce qui lui permet d'en rire.
La pièce donne parfois l'impression d'avoir une hallucination, grâce aux sons, aux lumières. Lorsque Rosa réalise qu'il y a "deux Antonnio", elle tombe dans les pommes, et c'est comme si nous étions dans son éprit, tout s'emmèle, comme dans les dessins animés chacun court après l'autre, on passe par une porte, on se retrouve dans un endroit improbable.
Dans Klaxon trompette et pétarades, tout ou presque passe par le corps. On attire l'attention visuellement, et on fait du bruit, pour faire passer un message. Mais une pensée ne se fait pas forcément entendre uniquement par la parole, et parfois le corps "parle" plus que les mots eux même. Ici les acteurs ne se retiennent pas, ils suent, ils "crachent" ce qu'ils ont à dire. C'est une pièce qui fait du bruit, rien que le nom de celle-ci en est la preuve.
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