mercredi 6 octobre 2010

Analyse Les Chaises, Ionesco. M/S Luc Bondy - Nataly

Les chaises de Ionesco, Mise en scène par Luc Bondy

Cette pièce de théâtre fut écrire par Ionesco en 1952. Mise en scène par Luc Bondy nous sommes face à une pièce tragi-comique. En effet, comme toujours, Ionesco aborde des thèmes qui concernent la société, principalement le thème de la mort de la solitude. Ainsi, dans ce texte Ionesco met en scène deux personnages qui sont âgés, c’est un couple marié depuis 75ans et qui pour tromper l’ennui et la mort convoquent l’humour et la dérision. Ces deux personnages vont alors nous raconter leur aventures les plus folles pour ensuite convoquer tous leurs « amis » et même le monde entier afin de leur faire une ultime révélation. Ionesco a décidé ici de traiter le thème du temps qui passe et de la mort, mais particulièrement le thème du suicide en ce qui concerne Les Chaises. Ionesco écrivain de l’absurde fait de cette pièce une ambivalence déroutante: elle oscille en permanence entre comique et tragique, le rêve et le cauchemar. Le maître du théâtre de l’absurde, pour qui « le comique est le tragique et la tragédie de l’homme, dérisoire », voyait cette pièce comme une « farce tragique ».
Nous pouvons alors nous demander comment Luc Bondy décide de mettre en scène cette histoire tragique qui cependant contient des éléments comiques. De plus, nous pourrons également nous intéresser au jeu des acteurs, au décor, aux costumes et au reste des mises en scène qui viennent animer cette pièce.

Premièrement nous pouvons nous focaliser sur la scénographie de cette pièce. Au début de la représentation, le spectateur est face à un décor plutôt simple mais qui pourtant au fil de l’histoire va apporter une grande signification. Le décor est donc minime: côté jardin se trouve une chaise placée à l’avant scène, puis côté cour, à l’arrière, une autre chaise est posée, par-dessus celle-ci se trouve un vieux poste radio qui va diffuser la musique de Paris. Cette musique va retentir plusieurs fois durant la représentation au moment où le mari va raconter à sa femme leur jeunesse. Mais ce n’est pas tout, vers le milieu de la scène se trouve une corde qui suspend une autre chaise, également une corde pend face à celle-ci. De plus, un des éléments qui va apporter beaucoup d’importance au lieu et à l’histoire sont les flaques d’eau présentes en plein milieu du plateau et vers le fond. Ce décor représente sans doute la maison des deux personnages, ainsi nous pouvons dire que c’est un lieu plutôt précaire et humide pour des personnes âgés. Au fil de l’histoire nous comprenons donc que c’est un couple qui n’est pas très riche, qui vit même dans la pauvreté. Cette misère est assez réaliste puisque les personnages n’ont pas l’air surpris, tout est comme si cela faisait parti de leur vie depuis longtemps, c’est leur milieu et ils n’y peuvent rien contre cela. Nous savons grâce aux nombreuses interventions de la femme que son mari aurai pu avoir un meilleur poste de travail ce qui intensifie l’idée qu’ils n’ont pas eu la vie dont ils rêvaient, de plus cette misère reflète cette incompétence.
Après avoir décrit les éléments présents sur scène, nous allons pouvoir les analyser un par un et essayer de dégager leur fonction et signification. Le couple décide d’organiser une grande réunion avec tous leurs amis et des célébrités afin de rompre avec leur solitude journalière mais pour leur faire une révélation, également. Au fur et a mesure que les invités arrivent des centaines de chaises apparaissent sur le plateau. Cependant aucun de ses invités est réel, les chaises sont vides du début à la fin, ce ne sont que des fantômes. Ceci-dit grâce au jeu des comédiens qui « voient » ces invités le spectateur y croit. La femme, par exemple, parle aux chaises comme si quelqu’un y était vraiment, ce qui donne une vie a ces personnages qui n’existent pas.




Dans cette image il y a une centaine de chaises mises dans le désordre, l’ampleur nous montre davantage la tragédie. De plus, les deux personnages étant seuls face à ce décor donne une image de dépeuplement. Les cordes suspendues au plafond sont le seul élément du décor qui reste sans être vraiment utilisé. Cependant à un moment le vieillard prend une des cordes et met sa tête dans la boucle de la corde, cette image est très frappante puisqu’elle illustre tout de suite la pendaison et donc le suicide. Luc Bondy met en scène ces cordes pour rappeler au spectateur comme aux personnages que la mort est présente, elle pèse surtout sur les deux amoureux. Ionesco dénonce à travers cette pièce la solitude des êtres humaines et ce que cette situation peut engendrer chez certaines personnes, notamment jusqu’à l’abandon de sa propre vie. Les flaques d’eau ont ici plusieurs significations et fonctions. Tout d’abord elles permettent aux personnages d’avoir un espace ludique où ils peuvent s’amuser comme des enfants. A plusieurs reprises nous pouvons voir que la femme se met à sauter sur les flaques en se mouillant volontairement. Non seulement l’eau rappelle la naissance mais aussi l’amusement. Les enfants sont gloutons de l’eau, ici le contraste vieillesse/jeunesse est au sommet. Même l’homme, au début de la pièce se met à jouer avec un bateau de papier sur l’eau. Ces flaques semblent être un moyen d’évasion et de souvenir pour ces personnages. Mais elles évoquent aussi le mode de vie dont-ils disposent: ils vivent dans un lieu insalubre. Ces flaques rappellent également l’omniprésence de la mort qui guète les personnages: elles sont tellement grandes qu’elles peuvent laisser paraître un gouffre dans lequel les deux personnages vont sombrer. Le sol étant noir l’eau et la couleur se mélangent et forment l’illusion d’un trou sans fin. Cette idée de gouffre se renforce par les néons présents au plafond qui forment une sorte d’étrange tache aveugle. La cécité évoquant le vide, le néant.
Enfin, le coup de théâtre final représente une scène théâtrale. Ce choix de mise en scène va produire l’effet d’un choc chez le spectateur. En effet, avec ce décor et ce bouquet final nous pouvons comprendre que pour Luc Bondy le révélation de la mort face à l’humanité de ces deux personnages révèle bien plus qu’un simple abandon du monde. L’annonce du suicide des deux personnages ne semble pas réel puisqu’il nous apparaît comme une fiction, c’est une illusion, ou encore un rêve: le public ne sais pas si cette annonce est réelle ou une simple comédie. Cette mise en scène va créer la catharsis chez le spectateur, il ne sait plus ce qu’il doit croire ou non. La découverte des corps sur la plateau, allongés dans une flaque d’eau côte à côte déclenche un électrochoc chez le spectateur. Les corps reflètent sur l’eau comme pour éterniser leur image, leur courage mais aussi leur souffrance. Ce coup de théâtre et cette mise en abyme crée un effet de miroir: on nous invite à réfléchir sur notre propre condition métaphysique, sur notre condition humaine.

Après cette analyse nous pouvons alors nous intéresser aux personnages, ou plutôt aux comédiens. Les acteurs jouent au théâtre pour échapper à l’angoisse de cette question. Leur performance théâtrale est d’une très grande importance et d’un niveau extrême. Il y a une illusion puissante de la vieillesse, tout d’abord les personnages sont incarnés par des jeunes comédiens afin de pouvoir effectuer la performance demandée. Mais le fait que ces personnages âgés soient joués par des jeunes renforce l’idée que nous avions développée avec le jeu. En effet les deux personnages jouent avec les cordes comme deux enfants, pareil pour l’eau. De plus, un vieux reste toujours un enfant, tandis que derrière un enfant, un adolescent ou un jeune il y a toujours la vieillesse qui est présente. Les comédiens nous transmettent toute leur solitude, leur sentiments ce qui permet aux spectateurs d’être avec eux. Ils ne sont pas dans un jeu personnel mais collectif, ils prennent à témoin le spectateur. En plus des invités « fictifs » nous, spectateurs, sommes aussi des invités de cette grande révélation. C’est pour cela que nous nous surprenons à avoir de la pitié pour eux, nous sommes dans une situation tragique et comique comme l’est la pièce elle-même. Le pouvoir du théâtre de l’absurde est de produire du rire dans le tragique sans pour autant nous donner les réponses aux questions.
Ainsi nous avons constater que Luc Bondy a choisi de garder les thèmes abordés par Ionesco et qu’il a très bien mis en scène ce que voulait dégager l’écrivain: un monde de solitude où règnent l’illusoire et l’incongru.

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