jeudi 3 mars 2011

Analyse de spectacle Dealing with Clair


Dealing with Clair est une satire sur la banalité du mal de Martin Crimp mise en scène aujourd’hui par Sylvain Maurice. Cette pièce oscille entre humour et étrangeté, on sait rarement s’il faut rire ou s’il faut s’inquiéter. Cette pièce raconte l’histoire de Mike et Lyse, un jeune couple, qui veut vendre sa maison au meilleur prix à un certain James par l’intermédiaire d’un agent immobilier qui se nomme Claire. Martin Crimp construit sa pièce à partir d’un environnement rassurant de la vie quotidienne, mais cette situation va se révéler être étrange et très inquiétante. Alors comment Sylvain Maurice réussit-il à mettre en scène cette « inquiétante étrangeté » à travers toute une scénographie effrayante et des personnages à l’image de celle-ci?

Dés le début de la pièce, l’atmosphère est tendue, froide, il fait très sombre, c’est assez inquiétant et angoissant. La pièce débute avec l’apparition de Claire, qui est le personnage central de la pièce, elle se trouve dans son studio près de la fenêtre. Celle-ci donne vu sur une voie de chemin de fer, ce qui renforce le côté angoissant (nuisances sonores lors des passages de trains). De plus, la fenêtre est le seul élément du studio qui est montré et grâce à elle, le metteur en scène nous plonge directement dans l’intimité du personnage principal. Nous pouvons ajouter aussi que le metteur en scène fait un énorme travail sur le caché/montré, tout un travail sur le hors champ, ici l’exemple est très frappant avec la fenêtre du studio de Claire. Le hors champ est un lieu de projection d’images.

Cette « première » partie de la pièce fait une énorme référence à Rear window d’Alfred Hitchcock dont le thème principal est le voyeurisme, l’espionnage. Ici on pourrait supposer que Claire est observée par quelqu’un, à travers l’œil du spectateur. Les changements de décors s’effectuent dans le noir total accompagné d’une musique assez surprenante et stridente. Ceci renforce le côté oppressant et étouffant de la pièce et de la mise en scène. La musique est aussi utilisée dans le but de produire des ellipses de temps et d’espaces, cela donne un certain rythme à la pièce et renouvèle le regard du spectateur. Cela lui offre une nouvelle perspective à chaque changement de décors.

La « seconde » partie du spectacle se passe principalement dans la maison du jeune couple que Claire visite. Dans un noir total, la maison s’avance doucement jusqu'à atteindre le milieu du plateau ce qui retient l’attention du spectateur et le place dans un état d’effroi mais aussi de curiosité. Seul le salon est représenté, le reste de la maison est caché. L’espace du salon est placé sur une sorte de plateau tournant et grâce à cela, tout au long de la pièce, la maison va nous apparaître sous différents angles. En apparence, la maison semble en bon état, propre et modestement meublé mais peu à peu on se rend compte ou plutôt on s’imagine que quelque chose cloche avec notamment la tâche sur la moquette ainsi que la fenêtre à réparer mais aussi les pleurs d’un bébé qu’on ne voit jamais. Une étrangeté surgit aussi peu à peu entre les personnages. Comme je l’ai dit précédemment, le caché/montré surgit dans le comportement des personnages. En effet, il y a ce qu’on affiche et ce qu’on est réellement. Tout au long de la pièce, le caché remonte à la surface pour le spectateur. Cette étrangeté se construit à travers le langage, il amplifie le danger (plus les personnages parlent, plus on les trouve étranges), des dialogues implicites ou lapsus et des dérapages.

La mise en scène et les personnages hors normes sont liés. Ainsi, par la mise en scène, les différentes facettes des personnages se dévoilent au spectateur. Claire par exemple est seule et indépendante, elle rejette sa mère, lui ment (elle fume en téléphonant tout en faisant croire le contraire). Tout ce qui l’entoure dévoile sa solitude et son indécision. James, quant à lui, chef de famille est très surprenant. Très emballé par la maison, qu’il veut acheter « cash », il va nouer des liens ambigus avec Claire, il va la conseiller, la soutenir, la rassurer. Ce personnage se rapproche vraiment de la figure d’Harry dans Harry, un ami qui vous veut du bien, un film de Dominique Moll. Il endosse un statut étrange, oppressant, étouffant, envahissant ! On peut supposer que Claire devient une obsession pour lui notamment lorsqu’il reproduit la situation initiale de la pièce. En effet, on le voit à la fenêtre du studio de Claire, au téléphone avec la mère de celle-ci et Claire ne répond plus. Sa disparition est envisagée, de nouveau ici l’étrangeté surgit. A la fin de la pièce, on est progressivement emmener dans l’envers du décor, on a l’impression que le metteur en scène met le spectateur face à lui-même et face à sa dangerosité. On peut éventuellement considérer les lieux comme des personnages à part entière car, et notamment pour la maison à vendre, on voit ses différentes faces cachées tout comme pour les personnages.

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