mercredi 19 janvier 2011

Analyse spectacle: Ithaque M/S Martinelli

La pièce Ithaque est mise en scène par Martinelli. Cette pièce est en quelque sorte une reprise de L’Odyssée d’Homère, puisqu’elle raconte l’arrivée d’Ulysse dans sa patrie qui est Ithaque. Mais c’est aussi le « nouveau » texte de Botho Strauss, grand auteur allemand dramatique contemporain, que Martinelli décide de prendre comme support. Nous pouvons alors penser que Martinelli a simplement voulu mettre en scène cet épisode et non l’épopée toute entière. En effet lui-même dit que la pièce « raconte la fin de L’Odyssée ». Le fait de mettre en scène cette pièce aujourd‘hui, permet dans un premier temps de retrouver un des textes fondateurs de la littérature française (qui est donc le texte d’Homère), bien qu’il soit déformé et retranscrit. Ce texte nous permet de nous poser des questions sur la société et notamment la question sur la politique. Comment un peuple survit-il lorsque son représentant n’est plus là pour régner et s’occuper du pays. Cependant, ici nous allons aborder principalement la question de la mise en scène et de la modernisation de la pièce. Pour essayer de répondre au mieux à cette question de « modernisation » nous allons nous focaliser sur le traitement que fait Martinelli sur l’arrivée d’Ulysse en sa « claire Ithaque »? Nous allons parler de son rapport aux personnages, en tant que tel, mais plus particulièrement sur la mise en scène et sur le parti pris du metteur en scène. Dans un premier temps nous verrons comment la pièce à été modernisée, par quels moyens, puis nous traiterons le passage du massacre enfin nous terminerons par parler des retrouvailles entre Ulysse et Pénélope. Le début de la pièce commence donc par l’arrivée d’Ulysse. Le spectateur est surpris de voir un cours d’eau sur la scène, qui représente la mer. La représentation d’Ithaque n’est pas vraiment faite puisque l’on ne voit pas une cité ou une ville, mais plutôt le palais d’Ulysse. En effet toute la pièce est joué dans le palais. Lorsqu’Ulysse s’échoue sur sa terre, il ne la reconnait pas de suite. L’élément qui permet au spectateur à lui faire penser, comprendre qu’Ulysse vient d’arriver à Ithaque c’est le rideau transparent qui forme une sorte de rocher. En effet c’est un rideau transparent sur lequel est retransmit l’image d’un rocher. Il y a donc une dimension cinématographie de cette arrivée qui nous permet de dire que d’entrée de jeu il y a une modernisation. Martinelli ne choisi pas de représenter Ithaque de manière antique mais plutôt moderne, voir imaginaire puisqu’elle n’est pas réellement représentée.
En ce qui concerne le palais, c’est un espace très « métallisé ». Devant le spectateur se trouve une immense escalier qui forme un « bloc » de béton, c’est sur cet escalier que se trouve la chambre conjugale des deux amants. Le palais est délimité par des sortes de colonnes. Ces colonnes ne sont pas en pierre, ce qui renforce le fait que Martinelli actualise la pièce. Autre chose, les grands escaliers sont capables de se déplacer vers le spectateur, comme si il allait entrer en coalition avec nous. C’est comme par magie que ce grand bloc d’escalier se déplace. Dans cette mise en scène, tout est modernisé et imaginé, rien ne semble réel, si ce n’est la nourriture. En effet le seul élément « antique » présent sur scène est le vin, le pain, les raison, etc. Même l’arc d’Ulysse est en quelque sorte changer en arc magique: il passe au travers d’anses qui font comme des feux d’artifices. Ici la mise en scène tombe presque dans quelque chose de « kitch » . En effet, l’épisode où Ulysse tire à l’arc il y a un effet de surprise, comme si nous étions non pas dans l’antiquité mais dans une fête foraine. Le contexte est déplacé ailleurs. Il n’a donc plus son sens premier.
Jusqu’ici il n’y avait que le texte et la mise en scène qui étaient modernisé et devenu contemporain. Avec l’arrivée des prétendants tout bascule. En effet, alors que le personnage d’Ulysse et d’Athéna gardent leurs image antique: par exemple Athéna est représentée par la divinité et le pouvoir: les prétendants eux sont complètements modernisés. Ce sont des personnages totalement arrogants et sans scrupules. Ils ont des costumes d’aujourd’hui: des lunettes de soleil Rayban ou encore des converses. A l’opposé, Athéna porte à un moment donné une armure qui rappelle l’époque d’Homère. Ulysse porte des vêtements d’aujourd’hui mais ils ne sont pas aussi imposants et « faux » comme ceux des prétendants. En effet ce « personnage » interprétés par un groupe d’homme est une critique de la société « machiste » de nos jours, ou des années auparavant.
Ces prétendants sont ceux qui, depuis le départ d’Ulysse, ont pris le pouvoir du palais et de la cité. Un d’eux doit normalement succéder à Ulysse au près de Pénélope. Martinelli décide de les représenter comme des hommes faux, grossiers et presque comme des bêtes. Afin de créer une sorte de « dégout » pour eux, comme les sentiments de Pénélope.
Comme nous l‘avons dit ce n‘est pas le texte d‘Homère qui est ici employé mais celui de Botho Strauss, un écrivain dramatique allemand. Cet écrivain à choisi de traduire le texte d’Homère sous une forme très moderne et un peu plus accessible à tous. En effet, le texte est simple et fluide. Pour la traduction de ce texte, Botho Strauss s’est basé sur la société d’aujourd’hui qui est régie par « le sport, la frime et la débauche ». Nous pouvons voir que ces trois qualificatifs sont très représentants et renvoient à la mise en scène de Martinelli. Le sport peut être associé aux aventures d’Ulysse, la frime au personnage des prétendants et la débauche à la souffrance de Pénélope, et à ce qu’est devenu le palais, voir la cité d’Ithaque. Ainsi dans cette pièce il n’y a aucune hésitation à employer des mots vulgaires: notamment pour les prétendants.
Bien que le spectateur soit surpris par cette transformation, je pense que celle-ci lui permet de comprendre davantage le récit.
Alors que le massacre est en quelque sorte le moment le plus attendu des spectateurs il est ici simplifié. En effet, depuis l’arrivée d’Ulysse on n’attend que sa vengeance au près des prétendants: c’est à ce moment qu’il pourra reprendre le contrôle de sa patrie et qu’il pourra retrouver sa femme Pénélope. Cependant ce moment est en quelque sorte « décevant » puisqu’il est caché. C’est sans doute pour une question de pudeur et de maîtrise de la mort et du massacre au théâtre que Martinelli à fait ce choix de mise en scène. Alors que tout se déchaine sur scène, un grand mur cache la bataille: le spectateur n’entend que les cris. Ce massacre est simplifié à cause du fait qu’il n’est pas réellement montré: sans doute Martinelli ne savait pas comment représenter ce massacre et c’est pour cela qu’il à fait ce choix. Cependant, quelque chose qui est assez beau et surprenant c’est l’écoulement du sang qui s’opère sur ce « mur ». Plus on avance et plus on se rend compte que derrière ce rideau/mur c’est un chant de bataille qui se déroule: le sang est donc le signe de la mort et de la vengeance.
Lorsque ce « mur » disparaît nous sommes face à la scène d’ « après le massacre », c’est une image assez magnifique qui vient à nous. Tous les corps des prétendants sont ensanglantés et déchus, que ce soit sur les escaliers ou sur le sol. Je pense que d’avoir posé des cadavres sur les escaliers qui mènent à la chambre conjugale est une image pour faire comprendre au spectateur que tous ces hommes ne sont que des faibles. Ulysse est le seul guerrier, le seul héros et le seul maître des lieux. Cette image montre le pouvoir et la grandeur d’Ulysse, c’est un champ de bataille mais presque glorieux qui nous est dévoilé. De plus, ce qu’il veut c’est reconquérir son peuple et sa femme, il est à la quête sur le plan familial et politique. Ainsi il est montré dans un aspect de désir, d’envie et de guerrier. Le spectateur ne prend aucune pitié de ces prétendants puisqu’ils ont une conduite déplorable et pitoyable envers tous les autres personnages. Ce massacre est d’autant plus troublant et mystérieux qu’il à des allures d’un film. En effet, nous n’avons plus vraiment l’impression d’être dans une salle de théâtre mais plutôt dans une salle de cinéma: le jeu des lumières, ce sang qui coule comme quelque chose de magique sur le mur et les cadavres sont comme intouchables, irréels. C’est une sensation que l’on n’éprouve que lorsqu’on est au cinéma.
Enfin, une des dernières images incroyable de ce massacre c’est lorsque tous les prétendants se relèvent pleins de sang et tombent dans un grand « trou » au milieu du plateau. En effet, un à un, les prétendants vont « chuter » dans un gouffre. C’est comme s’ils étaient aspirés par les enfers. Ainsi cela ne fait que montrer une fois de plus que ce sont des hommes sans scrupules et qu’ils n’ont mérité que ce qu’ils ont eu: ils sont montrés comme des infâmes et leur mort n’est que le fruit de ce qu’ils ont semé.
Enfin, Martinelli traite de façon très inattendue les retrouvailles entre Ulysse et Pénélope.
Comme pour la représentation du massacre, Martinelli prend un parti pris assez surprenant en ce qui est de la représentation des retrouvailles entre les deux amants.
En effet alors qu’ils ne sont pas vus depuis vingt ans leur rencontre est plutôt froide et distante. Pourquoi Martinelli a-t-il choisi de laisser une certaine distance entre ces personnages? Est-ce parce que l’arrivée d’Ulysse est pour lui avant tout l’arriver d’un guerrier, d’un héros de guerre, et non d’un mari? Peut-être. En tout cas, je ne pense pas que ce soit l’arrivée d’un amant épris de chagrin d’avoir été séparé de sa femme depuis si longtemps. Bien qu’il représente Pénélope comme une femme déchue sur son lit. Alors que tout le long de la pièce elle semble se lamenter de l’absence de son mari, pleurant sur son lit, une fois face à lui elle semble se contenir. Pénélope est représentée comme une femme en démens qui pleure l’absence de son mari, elle incarne également la femme au statut de puissance. Du haut de ses escaliers elle semble dominer l’espace et tout ce qui s’y trouve en dessous, en effet elle est au sommet des autres, c’est elle la plus haute: que ce soit au sens propre comme au sens figuré. Lorsqu’elle apprend le retour de son Ulysse, peut-être a-t-elle peur de perdre ce statut? Maintenant qu’Ulysse est de retour, tout va rentrer dans l’ordre et elle n’occupera plus qu’un statut de femme.
Ces deux personnages sont très distants l’un de l’autre, c’est comme s’ils se connaissaient à peine. Ce n’est qu’au bout de quelque minutes qu’ils prennent confiance en eux, comme s’ils voulaient être sur, comme si le fait d’avoir été séparés depuis si longtemps les avaient rendus comme des inconnus l’un en vers l’autre, et qu’ils s’enlacent et s’échangent leur amour.
Dans sa mise en scène Martinelli prend un parti pris principal: celui de la modernisation. En effet il essaye de retranscrire le parcours d’Ulysse de nos jours, il souhaite que le message d’Ulysse soit compris à travers tous ses spectateurs. Ce parti pris n’est sans doute pas le plus perspicace ou le plus juste, cependant il apporte une touche « nouvelle » qui permet au spectateur de se plonger plus dans le cœur de l’action. La représentation des personnages et leur rapport à nous et si proche qu’on ne sent pas le fait que ce soit un texte si ancien. Ainsi c’est à travers cet image moderne et impressionnante que Martinelli fait rentrer son spectateur dans le récit et l’arrivée d’Ulysse à Ithaque.

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