C’est une version écourtée qui nous est présentée ici, mais au contraire de ce que l’on aurait pu penser, ce n’est absolument pas une version atrophiée de la pièce, mais plutôt une concentration très sensée et presque plus « vraie » que nous avons eu l’occasion de voir. Il s’agit en effet ici d’une adaptation de la pièce originale, car le metteur en scène la « réécrit » pour n’en garder que l’extrait, que la pulpe du sens au cœur de la longue pièce. Cet allègement nous permet d’être plus proche du message envoyé par la pièce, d’être plus au cœur de l’intrigue et de mieux comprendre l’émancipation nécessaire du personnage de Nora. Le spectateur, grâce à cela, est plus en empathie avec le personnage de Nora et le comprend bien mieux, il fait ressortir avec cette version écourtée et cette intensité (aussi bien dans le jeu des acteurs que dans le temps) l’urgence pour la femme de cette époque, enfermée dans les apparences et les interdits, de s’émanciper, même si pour cela elle doit faire le plus gros des sacrifices. Le metteur en scène justifie ce resserrement en disant qu’il a tout d’abord souhaité travailler à l’intérieur de la pièce ce qui faisait écho en lui, soit ce qui touchait plus directement sa propre subjectivité. Ce qui en ressort nettement pour le spectateur est qu’il choisit en effet de n’en garder que l’essence, et de se débarrasser de toutes les « fioritures » qui la révèlent. Par exemple nous pouvons comparer le rapport de Nora à Krogstad entre les deux versions que nous avons vues. En effet dans la seconde ce rapport s’exprime selon moi par l’aspect majeur de leur lien : soit la peur. Ce qui se fait le plus ressentir est l’immense angoisse qui hante le personnage de Nora, la pièce elle-même est ici recentrée sur cet épisode qui est le passage même où Nora prend son étoffe, et cesse d’être cette oiseau chanteur par ses émotions. Les évènements extérieurs à la transformation, à la révélation du personnage de Nora sont beaucoup moins exploités, comme l’histoire d’amour entre Kristine et Krogstad. Et chaque fois que les évènements extérieurs au développement de Nora sont évoqués ils sont exploités par rapport à elle et non en tant qu’évènements indépendants. En effet lorsqu’il s’agit de trouver un emploi à son amie Kristine, ce que l’on voit ce n’est pas la situation de Kristine mais plutôt le rapport entre Nora et son mari, sur la question de la demande du plus faible au plus fort, et donc sur leur relation. Nous pouvons ainsi voir qu’ici Nora est suppliante face à son mari, mais contrairement à la première version Nora n’est pas celle qui attend derrière la porte du bureau en espérant qu’elle s’ouvre, mais celle qui y entre avec fracas. C’est une Nora plus culottée et plus engagée que nous présente ce metteur en scène.
jeudi 31 mars 2011
Extrait d'analyse: Maison de Poupée (version revisitée par Daniel Veronese)
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