lundi 19 octobre 2009

Quelques mots sur Casimir et Caroline

Un enfant fiévreux m'empêche de vous retrouver aujourd'hui.
Voici ce que je comptais vous dire en guise de reprise des questions d'analyse dramaturgique autour de Casimir et Caroline.

1. Le choix de l'adaptation

Le parti pris est clairement celui de l'adaptation contemporaine et non celui de la reconstitution historique. Les signes du contemporain sont multipliés, techniques et technologiques notamment : néon, voiture, chaises plastiques, ordinateur. Les costumes renvoient soit à la dimension festive, carnavalesque (comme ceux des musiciens-saltimbanques), soit à une époque indéterminée, mais plutôt contemporaine. Le costume n'a pas de fonction référentielle historique.

La volonté est donc de favoriser l'effet de miroir tendu d'une époque à l'autre : comme si le contexte d'aujourd'hui, celui de la crise financière et de la désespérance sociale, répétait celui de la société munichoise de 1932, càd de la grande Crise de 1929, du chômage de masse et de la montée d'Hitler et du nazisme.

Ce choix énonce donc un parti pris politique : les metteurs en scènes cherchent à faire un théâtre d'intervention qui met en débat la société d'aujourd'hui, oblige les spectateurs à s'interroger sur les valeurs dominantes de la société, les relations sociales et entre les sexes, etc. Mettre en scène Casimir et Caroline, c'est adresser une mise en garde.


2. Scénographie

La fête foraine est présente par les lumières, les bruits, le mouvement, mais n'est pas représentée. Les attractions notamment sont suggérées hors champ. Ce sont les bruitages, les cris et/ou le jeu des comédiens, le jeu de leurs regards qui créent implicitement les attractions sans les montrer de façon réaliste : on voit le Zeppelin à travers les yeux des personnages, le jeu du comédien transforme les tubulures de la structure en jeu de force, les montagnes russes s'imposent par bruitages et cris.

Ainsi, le pari quasi impossible de montrer les attractions énoncées par le texte est-il résolu par la suggestion : l'imagination du spectateur supplée les indices et lui permettent de reconstituer mentalement un hors scène.

Du coup, l'attraction foraine fonctionne surtout ici comme une métaphore. Par exemple, aller sur les montagnes russes pour Caroline, c'est céder à la tentation de quitter Casimir et de le tromper avec plus puissant et plus prometteur que lui, de vivre une vie plus intense et plus « haute », bref de « s'envoyer en l'air ». De même, le jeu de force qui ouvre la pièce met-il en exergue le problème central du personnage de Casimir : ce colosse est au pied d'argile, fragilisé par son licenciement. ; sa démonstration de force ne peut s'exercer que dans le cadre dérisoire d'une attraction de foire.

Mais ce qui intéresse visiblement scénographe et metteur en scène dans l'espace de la fête foraine c'est le fait que ce soit un espace publique de circulation, de rencontres et d'échanges où les rapports sont à la fois apparemment libérés des contraintes sociales et rendus plus brutaux par cette licence. Et l'évacuation des événements les plus festifs, même s'ils sont transposés en chansons et moment de comédie musicale, font que d'emblée la fête sonne aigre, menace de virer mal, est triste, voire sordide, glauque, dangereuse : c'est avant tout un moment de libération des affects et des désirs, des pulsions. Ce qui circule, ce sont bière, nourriture, désir et argent (le plateau est souillé successivement par la bière, la glace et les billets de monnaie).

Le dispositif présente de vastes et hauts échafaudages superposés qui offrent autant d'espaces de jeu simultanés et/ou alternés, multiplient les plans et les actions. Le regard du spectateur, dynamisé par la circulation incessante des comédiens et des musiciens (à part celle de Casimir, accidentelle mais significative : il est cloué au sol), est sans cesse attiré par de micros-événements ou des mouvements annexes, à la fois cadré et décentré.

Bien sûr, c'est d'abord une façon de rendre le contexte singulier de la fête, de la foire, de la masse des fêtards et des actions : mouvements, circulations, traversées – un tourbillon.

C'est aussi une façon de poser l'interaction qui est au coeur de la pièce entre intimité du couple et de l'amour et situation sociale : la rupture entre Casimir et Caroline se fait sous les yeux d'autres personnages, en public, en accord ou en contraste avec le contexte immédiat de la fête. D'une certaine façon, l'intimité amoureuse est posée dans l'espace publique et devient une question indémaillable de la question sociale et politique.


3. Musique

La musique est omniprésente. Le niveau sonore est élevé : bruitages, musique, voix amplifiées, voix fortes.

Ainsi est rendu le malstrom d'une fête foraine. C'est sa première fonction – représenter une fête que le dispositif scénographique a choisi de suggérer. Ainsi la musique crée de l'espace : ses effets de bruitage suggèrent des attractions hors champ, son assourdissement crée soudain une frontière entre un espace intérieur et un espace extérieur.

Elle accompagne les moments joués ; elle joue comme contrepoint ou amplification. C'est sa fonction dramatique, voire lyrique : elle assure la montée dramatique; elle crée de l'émotion.

Elle alterne moment de chants collectifs et moment de chansons solitaires : c'est sa fonction dramaturgique. Elle recoupe ainsi un des enjeux centraux de la pièce qui est la contiguïté et l'interprénétrabilité des espaces intimes et publiques, privés et collectifs, amoureux et sociaux.

Elle propose aussi des intermèdes: elle est au coeur de moments chantés et fait du spectacle une comédie (ou une tragédie?) musicale, un opéra populaire. C'est du théâtre musical.


4 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Au sujet de Roméo et Juliette, si on a l'édition Classique Larousse et non celle que vous avez demandé, c'est très grave? :)
    Merci,

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  2. J'avais pensé que le fait qu'il y ai plusieurs étages = classes sociales differentes

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  3. Non, chère anonyme, ce n'est pas très grave c'est juste un peu grave : nous n'aurons pas le même texte sous les yeux... mais Roméo mourra quand même à la fin.
    Etages : classes sociales ? Peut-être... mais les personnages circulent beaucoup de haut en bas et de bas en haut, quelque soit leur classe sociale... Seul Casimir reste cloué au sol ce qui est accidentel mais signifiant : il est rivé à une certaine impuissance.

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  4. C'est moi Anomyme. Merci beaucoup pour l'info
    Bonnes vancances!

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