Comme nous l'avons vu en cours, la mise en scène d'Ariane Mnouchkine est une mise en scène très orientalisée. On a pu voir effectivement que dans les costumes, le maquillage, la danse et la musique on retrouvait un méli-mélo de cultures asiatiques (Inde,Chine...). Pour ma part, cette mise en scène me parle énormément car à ma première lecture d'Agamemnon, bien que le texte m'a tout d'abord paru illisible, car truffé de métaphores, tous les sens étaient à décrypter, il suscitait dans mon esprit un tas d'images qui m'ont fait voyager: le thème du voyage renvoyant au retour d'Agamemnon (ainsi qu'au retour d'Ulysse dans l'Odyssée) et à notre travail de plateau avec Novarina,dans notre engagement corporel puisque le but est de créer une carte. La présence de la culture indienne dans cette mise en scène est évidente notamment dans la danse, les costumes et le maquillage, on retrouve tout au long de la pièce différentes références aux danses, aux traditions et aux coutumes indiennes. Or l'art théâtral indien est un théâtre rituel avec une dimension symbolique puisque l'on y retrouve toujours un rapport aux Dieux.
le Choeur
Pour traiter la question du chœur dans sa mise en scène, Ariane Mnouchkine s'est inspiré d'un art qu'on appelle le Kathakali.
Le kathakali est un théâtre épique et une danse du sud de l'Inde qui permet de sentir comment l'utilisation du corps tout entier (gestes, expressions du visage, regards et rythmes) renforcent l'émotion intérieure du personnage de théâtre. Cet art qui met en scène des Dieux, des démons, des guerriers ou des rois qui sont plongés malgré eux dans des situations extrêmes, entre la vie et la mort, entre directement en écho avec la situation du chœur dans la tragédie antique.
Un gros plan sur l'expressivité du visage accentué par le maquillage.
On remarque que Mnouchkine a conservé presque dans sa totalité le costume traditionnel du danseur de kathakali: l'ampleur, les couleurs vives, bien qu'elle semble s'être un peu plus basée sur du rouge. On retrouve l'exagération du costume du personnage de théâtre dans la Grèce antique, dans une dimension spectaculaire et attrayante. On peut voir notamment qu'elle s'inspire du maquillage indien pour le chœur mais aussi pour les autres personnages par exemple Agamemnon qui a un costume presque similaire à celui des membres du chœur. Ce maquillage est destiné à favoriser l'exagération des expressions du visage et à les rendre beaucoup plus visibles. Il permet aux personnages de pouvoir réagir dans un jeu muet à ce qui se passe sur la scène (sachant que le chœur est toujours à vue dans la mise en scène d'A.Mnouchkine).
Clytemnestre
Clytemnestre apparaît tout d'abord dans un costume très masculinisé et danse avec le chœur, de manière séduisante puis cela se transforme petit à petit en une danse de guerrière vaillante. Cette danse m'a rappelé une autre danse traditionnelle indienne qui est le bharata natyam.
Le bharata natyam est une forme de danse classique indienne originaire du sud de l'Inde souvent enseignée aux filles mais qui reste très ouverte aux garçons. La traduction de « bharata natyam » en français signifie: « danse, musique ,théâtre ». C'est l'une des plus anciennes danses indiennes qui est liée aux pratiques religieuses, c'est une danse de soliste, c'est peut être pourquoi au fur et à mesure que Clytemnestre danse le chœur ne suit plus le rythme et la laisse peu à peu seule sur le plateau. C'est également une danse qui met en scène parfois l'homme et la femme dans leur conduite amoureuse, on comprendrait ainsi pourquoi Clytemnestre effectue cette danse précise au retour d'Agamemnon puisqu'elle cherche tout d'abord à le charmer. Tout comme le kathakali le bharata natyam est une danse très expressionniste qui induit des postures du corps spéciales et gymniques. Certaines positions demandent une réelle cambrure de la danseuse ou du danseur ce qui rend cet art spectaculaire et lui donne de l'ampleur.
Clytemnestre qui danse autour d'Agamemnon comme la menace de la mort qui plane au dessus de lui . Elle se trouve derrière lui on peut donc imaginer qu'elle se réjouit secrétement de son retour car sa vengeance est sur le point d'être accomplie, comme le témoigne son visage (sourrire...) et les pas qu'elle fait, elle semble heureuse.
On retrouve ici le costume traditionnel de danse et l'on remarque également l'expression du visage très marquée et accentuée par un maquillage légèrement plus sobre que celui d'A.Mnouchkine, mais qui agrandit énormément le regard et laisse place au mime.
Le costume traditionnel de danse indienne est un costume entre le pantalon et la jupe, il s'agit donc d'un costume assez masculin. On comprend le parti pris d'A.Mnouchkine de mettre en scène une Clytemnestre qui apparaît tout d'abord comme une guerrière dans son costume mais également dans son corps; car comme on peut le voir sur cette photographie la danseuse à une posture qui pourrait être assimilée à une posture de combat, un peu comme la danse de Clytemnestre à sa première apparition sur le plateau qui est une danse vive avec des mouvements très rigides.
Encore une photographie où l'on peut remarquer une expression du visage très accentuée et inquiétante, ainsi qu'un corps très rigide et menaçant.
On remarque également que sur chacune des photos on retrouve la présence d'une chevelure très foncée et très longue, ce qui est un des signes primordiaux de la beauté indienne dans les traditions. Un signe que l'on retrouve également chez la Clytemnestre d'A.Mnouchkine.
Ces danses qui mèlent le théatre à la musique sont des danses consacrées aux dieux, le dieu de la danse étant SHIVA, il est également le dieu de la destruction comme Clytemnestre représente la destruction d'Agamemnon et de Cassandre, ou encore Agamemnon représente la destruction d'Iphigénie ou tout simplement la destruction à travers la guerre. Shiva est représenté avec plusieurs signes distinctifs dont"la flamme de la destruction" qu'il tient dans sa main gauche ainsi qu'une personne qu'il écrase sous son pied. Cette flamme pourrait se référer aux "brasiers" que clytemnestre guettait avant l'arrivée d'Agamemnon.
"En pleurant, j'ai abîmé mes yeux ouverts tard dans la nuit
pour guetter les brasiers dressés pour toi
et qu'on n'allumait pas."
Très bonne contribution Assia, bravo.
RépondreSupprimerTu apportes des documents éclairants et tes commentaires sont pertinents.
Moi, ce qui me frappe à la vue des documents, c'est la dimension de marionnette que confèrent aux acteurs les costumes, les maquillages, et les postures que l'on sent très codées, très dessinées aussi, très graphiques, précises, acérées. On sent qu'il y a un espace de jeu particulier, où il s'agit pour l'acteur de faire de son corps une sorte d'idéogramme ou de hiéroglyphe et de transposer poétiquement (par les couleurs, les postures, les mines) un état ou une situation. On est très loin de certaine tradition de jeu psychologique et réaliste, et du coup, on n'est pas si loin, du coup, de Novarina...
cool
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