Ithaque est un extrait de l'Odyssée racontant le retour d'Ulysse dans sa patrie. Jean-Louis Martinelli a reprit une traduction contemporaine de Botho Strauss. Cela change la dimension donnée à ce passage de l'Odyssée. Il choisit donc à la fois de moderniser l'histoire, tout en conservant, ou faisant référence à des éléments de l'Antiquité. Nous pouvons alors nous poser la question de comment adapter à notre époque l'Odyssée d'Ulysse, récit datant de la Grèce Antique ? Nous allons tout d'abord voir que cette mise en scène est à la fois esthétique voir spectaculaire. Ensuite nous verrons qu'elle ne se déroule pas concrètement dans une époque spécifique. Enfin, nous verrons quelle vision de l'Odyssée apporte cette mise en scène.
Lorsque la scène nous apparaît pour la première fois, nous apercevons en avant scène une marée d'eau, d'où Ulysse arrive. On ne voit que cela au début, et elle reste tout au long de l'oeuvre. Elle représente à la fois la mer autour de l'île d'Ithaque, mais elle peut aussi représenter de ce fait le long et rude d'Ulysse. Durant ce voyage, la met est extrêmement importante puisque c'est grâce à elle qu'il pourrait rentrer mais Poséidon en parti, par exemple, l'en empêche. Cette eau en avant scène est donc symbolique du périple d'Ulysse qui l'a ramené en Ithaque après 20 longues années. C'set comme si la pièce naissait en sortant de cette eau (c'est en effet en quelque sorte le cas dans l'histoire même), du moins elle débute par cette belle image.
Une sorte de voile se trouve derrière cette marrée d'eau, apparemment en mailles. L'eau se reflète alors dessus et apporte une image intéressante, comme si nous voyons l'horizon et la mer à perte de vue. On croirait aussi voir des rochers. On aperçoit vaguement derrière un grand escalier et sa femme Pénélope, comme si nous étions dans les songes d'Ulysse. Ce voile peut faire écho à l'espère de "brouillard" dans lequel se trouve Ulysse à cet instant jusqu'à ce qu'Athéna le lui dise. Alors le spectateur en même temps que lui découvre (redécouvre pour Ulysse) Ithaque, avec ce voile qui disparaît.
De grandes marches dominent donc l'arrière de la scène. En haut de celles ci se trouve Pénélope pendant la majorité de la pièce. Le seul meuble présent s'y trouvant et le lit conjugal, endroit dont il est en effet très souvent question dans l'Odyssée. C'est le lieu de l'union entre Pénélope et Ulysse. Il symbolise aussi ce que cherchent à atteindre les prétendants d'en bas. On peut d'ailleurs remarquer que les marches sont légèrement décalées au niveau du lit et personne ne monte par cet endroit si ce n'est Ulysse et Pénélope à la fin de la pièce lorsqu'ils se retrouvent. Ce lieu finalement quasi inatteignable (peu de gens y montent), s'élevant vers la hauteur, semblerait presque être un lieu sacré entre le monde réel un au delà. C'est d'ailleurs l'état dans lequel se trouve Pénélope avant qu'elle ne retrouve son Ulysse : entre la vie et la mort. On pourrait aussi peut être penser qu'elle s'élève vers les Dieux pour que ceux ci lui viennent en aide.
Ce désir de représenter Ithaque de manière à la fois esthétique et spectaculaire rappelle évidement le théâtre antique. Le "Palais" n'est pas représenté comme un monument de l'Antiquité grec cependant on y retrouve des éléments qui y font référence. Ce n'est ni un décors "d'époque" ni un décors véritablement moderne. C'est comme si la pièce se trouvait dans un chemin entre les deux. Par exemple, les grands escaliers sont fait d'une matière qui n'est pas vraiment définissable, entre la pierre et le béton. Les 4 colonnes de chaque côté rappellent celles des monuments de la Grèce Antique, mais elles sont en béton, ou bien nous voyons carrément un "échafaudage". Il y'a même un ascenseur dans l'une d'elle (dans lequel Athéna monte). On retrouve aussi des meubles contemporains comme les tables et chaises.
Les haches dans lesquelles veulent tirer à l'arc les prétendants ont une allure ancienne, mais lorsque Ulysse tire dedans, cela provoque un feu avec des pétards qui traversent ces haches. Moderne et plus ancien sont mélangés pour rendre une assez belle image. D'autre part le fait que le massacre ne soit pas à vue rappel le fait que dans le théâtre antique, les meurtres n'étaient pas à vue.
Trois femmes racontent souvent l'histoire. Elles m'ont un peu fait penser aux Muses. Elles sont grandes, aux cheveux longs tressés, portent des robes noirs mais qui n'ont pas la même forme. Elles se déplacent en même temps, symétriquement, comme si une femme se reflétait dans plusieurs miroirs. Cependant elles se partagent le textes et ne sont physiquement pas identiques. Elles ne sont pas une seule personne mais forment une unité tout de même. Ensemble, elles pourraient former un seul corps. Elles sont marquées à un endroit différent de celui-ci. L'une a un serpent au niveau de la clavicule, une autre a un bracelet au poignet et l'autre a une sorte de genouillere en métal. Elles chantent parfois. Elles rappellent les choeurs de l'Antiquité. C'est 3 femmes sont harmonieusement différentes. Elles sont les seules à ne pas être des personnages de l'Odyssée d'Homère. Leur fonction est de raconter l'histoire, un peu comme un aède. Elles créent un lien avec le spectateur, ce qui rappel à nouveau le choeur dans l'Antiquité. De plus elles parlent dans un micro ce qui les détachent un peu des autres acteurs. J'ai eu l'impression qu'il y avait l'histoire, et qu'elles venaient au milieu de celle ci sans y participer réellement. Elles commentent juste ce qu'il se passe, voir aident les acteurs (quand elles habilles Pénélope par exemple). Elles sont en quelque sorte aussi spectatrices.
Jean Louis Martinelli à donc décidé de ne pas présenter une pièce qui se situe clairement dans un contexte temporel. Il a choisit de prendre une traduction de l'Odyssée très moderne, qui rend peut être le message de la pièce plus important pour notre époque mais qui de se fait aussi, prive le spectateur de la beauté du texte d'origine. C'est une pièce assez impressionnante qui nous montrent beaucoup d'images, on se croirait presque devant un film parfois, le risque est peut être d'être un peu éblouit par tout cela et ne plus vraiment voir l'essentiel.
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