mercredi 19 janvier 2011

Analyse de Spectacle : Ithaque/Jean Louis Martinelli/Nanterre.

Tout d’abord, ce spectacle a été mis en scène dans un décor épuré et froid. Nous étions placés devant un dispositif scénique imposant conçu selon trois plans : le rivage où échoue Ulysse, le plateau central où s'agitent les prétendants au trône et, au sommet d'un escalier géant, la chambre à coucher de Pénélope. L’absence de couleurs, de beauté et de raffinement donnait une image assez contemporaine du récit. Une image qui pouvait plaire ou ne pas plaire. En tout cas, cet aspect de la pièce ne reflétait aucunement ma version de ce chant. Effectivement, je m’attendais à être emportée et éblouit par des paysages fleurissants et harmonieux d’une patrie retrouvée. Au lieu de cela, nous avions juste à notre vue des murs en béton sombres. Ce parti pris était risqué dans le sens où il ne représentait absolument pas l’univers « féérique » apporté par Homère.

Cependant, plusieurs dispositifs de la représentation l’ont rendu plus ou moins intéressante. Dans un premier temps, le fait qu’une étendue d’eau sur le devant de la scène soit mise en place était recherché dans le sens où il y avait une allusion à la mer, élément essentiel dans le voyage d’Ulysse le menant à travers divers pays et territoires maléfiques : C’est de par l’eau qu’il est parti et qu’il est également revenu. Un parti pris qui m’a interpellé par son originalité et sa connotation par rapport au récit. De plus, cet aspect du spectacle possédait une fonction particulière. En effet, il avait pour rôle, à mon sens, de mettre en avant les personnages, le chœur et les combats par le bruit que l’eau provoquait. Dans un second temps, les rideaux en mailles de métal souple renvoyaient une image cinématographique de la pièce. Effectivement, ce dispositif donnait l’impression que la scène présentée, que l’on pouvait distinguer à travers les mailles, était semblable à une séquence d’un film des années 50, du moins c’est vraiment l’impression que ça m’a donné au tout premier abord. Ensuite, à un moment de la pièce, après le massacre des prétendants, une trappe s’est ouverte : les comédiens jouant les prétendants se sont tous avancés vers cette trappe donnant, de loin, à un trou béant, et, un par un, ils s’y sont jetés sans scrupule. Cette idée était vraiment époustouflante, elle laissait penser que cette trappe était la porte ouvrant sur les Enfers ou le monde des morts. C’était recherché, culoté et très beau visuellement parlant. Nous avions clairement une image d’une entrée vers un au-delà et cela m’a beaucoup plu.

Par ailleurs, la comédienne qui jouait Pénélope, bien que belle et pleine de charme, était quelque peu perturbante par sa voix grave, cassée et son accent étranger qui ne lui permettait pas d’articuler clairement sa partition, de ce fait, son jeu était déroutant, à la limite du grotesque et nous ne pouvions pas comprendre parfois, la portée de ses paroles et ce qu’elles dégageaient. En revanche, sa présence imposante, sa majesté et son élégance rendait là pièce vivante. Par ailleurs, la modernité de son personnage était réellement ancrée dans son jeu par le fait qu’elle fumait dans son lit des cigarettes de notre époque en plein milieu d’une scène entre Ulysse et le vieillard.

Concernant Ulysse, j’ai été surprise de découvrir un homme vulnérable, maigrelet, à l’allure peu impressionnante. Effectivement, par le récit d’Homère, je m’imaginais un Ulysse grand, fort, imposant et beau. Malgré cela, son jeu était vivant, rempli de sincérité et grandiose. Parfois, il me donnait des frissons. Je pense que c’est le passage du massacre qui m’a montré à quel point ce comédien avait de la rigueur mais aussi une façon de joueur profondément juste et humaine.

Les huit comédiens interprétant les prétendants, quant à eux, avaient une présence et une assurance qui a souvent attiré mon attention. Leur agressivité, leurs costumes très contemporains et leurs actions ont été le pilier de cette pièce à mon sens. Les instants de combats, de moqueries et de cruauté effectués par ces comédiens ont donné de la vie à cette pièce et du mouvement..

Le chœur, composé de trois jeunes femmes, toutes vêtues de robes longues et noires, chantaient les chants de l’Odyssée sans forcément conter l’histoire. Leurs passages étaient beaux, sensuels et délicats. En effet, pleine de grâce, elles se réunissaient comme pour montrer au public qu’elles formaient à elle trois un être entier et elles venaient nous chanter le récit d’Homère. Par conséquent, nous pouvons prétendre que le chœur de Martinelli était semblable à une chorale de voix féminines car leurs paroles, sans chants, se faisaient rares voir inexistantes. De plus, les femmes formant le chœur faisaient également office de servantes, notamment auprès de Pénélope. Elles étaient quelques fois là pour la rassurer, la baigner dans une atmosphère paisible et sereine. Elles avaient donc deux rôles bien distincts qui leur donnaient un coté protecteur. Nous avions donc sur scène un chœur qui nous emmitouflait dans un doux cocoon protecteur avec ces doux chants.

Puis, concernant Athéna, l’adjuvant d’Ulysse, nous pouvons dire que ces apparitions étaient, dans un premier temps, gracieuses et rassurantes. Sa chevelure, d’une blondeur flagrante, nous donnait l’impression que c’était un ange venu du ciel. Son envol et le fait qu’elle soit, à un moment de la pièce, dans une sorte d’ascenseur aux vitres transparentes accentuaient ce côté et renforçaient son statut de déesse. De plus, Athéna, en plus d’être perçue comme une figure angélique, possédait un aspect sensuel à la limite de l’érotisme par une de ces apparitions, un peu kitch, où elle portait un bustier métallique en or.

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