jeudi 3 mars 2011

Extrait analyse: Dealing with Clair

A. Un décor révélateur


L’espace « intérieur » est atrophié, coupé, et on peut voir que la décoration, l’ambiance de l’espace est assez froid et presque hostile. Ainsi le metteur en scène commence à dévoiler ce qui ne se « voit » pas dans la pièce de Crimp. Je veux dire par là qu’il dévoile un espace déjà légèrement désagréable, assez peu convivial dans lequel on entend un enfant crier, on voit des malentendus ou désaccords entre un couple et leur babysitter. Il nous amène sur la piste du vice caché, qui va s’avérer très important par la suite. En effet dans la pièce le « défaut » de l’endroit commence par la tâche sur le tapis, qui semble déjà être une question obsédante pour tout le monde et se termine par la découverte suivante : la maison est entièrement pourrie de l’intérieur alors que parallèlement ils font tout pour la vendre le plus cher possible. Mais rien de ce qui est « grave » ne se voit jamais, le gros problème se remarque à peine, tandis que personne ne passe à côté de la tâche sur le sol. Donc, le metteur en scène, en coupant l’espace en biais et en l’habillant d’un design assez peu chaleureux nous avertit du problème à venir. Je pense que le fait d’avoir brisé l’espace renvoie à l’image d’un lieu en apparence parfait mais qui ne l’est pas vraiment en réalité. Je veux dire qu’en fait la maison que vendent ces gens, dans la pièce, n’est qu’à demi ce qu’elle paraît être, en apparences elle est idéale (avec beaucoup de chambres, assez grande, très bien placée) mais si l’on va plus en profondeur elle est tout son contraire: la maison s’effrite de l’intérieur, une chambre ressemble à un placard parce qu’elle est borgne… Ainsi le fait de l’avoir coupé en deux rappelle qu’elle n’est qu’à demi « idéale ». De plus, cet espace fait nettement penser à un genre de maison de poupée, ce qui n’est pas sans rappeler l’importante place des apparences dans la pièce. Mike et Liz donnent l’impression d’être une famille modèle, vivant dans une maison modèle avec un joli jardin modèle etc. Mais comme nous l’avons vu les fondations sont rongées et pourries, tandis que le jardin n’est jamais dévoilé aux visiteurs mais simplement décrit brièvement par des adjectifs mélioratifs. Le metteur en scène s’applique à mimer le comportement des personnages qui se donnent un air parfait dans l’espace qu’il façonne à leur image. Il renforce de plus cet aspect hostile par les cris de l’enfant, que l’on entend à plusieurs reprises, et le rapport qu’ont les parents à la « famille ». A chaque fois que l’enfant crie ils font appel à la babysitter, ils cassent ainsi l’esprit familial très anglais de la famille parfaite et unie. De plus, ils ne sont pas très tolérants avec leur babysitter, qui n’a pas vraiment le droit d’utiliser le téléphone de la maison et qui est logée dans la chambre sans fenêtres et minuscule. Ils apparaissent comme un stéréotype de la gentille famille anglaise, mais en sont finalement l’exacte inverse, nous pouvons voir par exemple qu’ils ne boivent pas de thé mais du vin, qui les rend saouls.


C. Un espace en mouvement


Un mouvement autour de la maison s’effectue tout au long du spectacle. Tout d’abord, dans l’acte I, lorsque la magouille des vendeurs n’est pas encore révélée, la maison s’approche du bord de la scène, créant ainsi un rapport de proximité avec le public. Un certaine intimité s’installe, une empathie pour cette famille au demeurant idéale de la part d’un public curieux. De plus, cela rappelle que la situation initiale est familière. Puis les intentions des personnages de vendre la maison de plus en plus cher, de façon de moins en moins honnête apparaissent, c’est alors que la maison recule vers le fond de la scène. Il se crée alors un effet d’éloignement saisissant, le public ne s’identifie plus aux personnages qui se révèlent bien moins beaux. Ainsi, le metteur en scène de par ce jeu avec la disposition et l’emplacement de la maison mime les sentiments du spectateur, et d’une manière plus générale l’identification aux personnages de moins en moins présente au fil de la pièce due à ce basculement dans la malhonnêteté. Enfin, la maison pivote ne laissant apparaître que l’arrière de celle-ci, c’est-à-dire la face donnant sur le jardin avec la « vigne vierge » qui grimpe sur la façade, cette dernière vue de la maison est assez ironique de la part du metteur en scène à mon avis. Car en effet, les « méchants » triomphent dans le « mal », tandis que les « gentils » perdent, la vigne « vierge » est assez contradictoire avec l’action finale des personnages qui sont plus pêcheurs que vierges, d’où l’ironie.

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