mercredi 29 décembre 2010

Qui veut prendre une leçon d'obscurité?

L'Odéon cette année, les filles est à fond avec nous. Notre ami Nova est très compliqué et ça ils l'ont bien compris, alors, ils nous proposent une jolie série de lectures et de pièces par Nono himself, comme Le Vrai Sang que nous allons voir en Janvier par exemple. Mais il y a deux semaines, on est allées voir et écouter Pour Louis de Funès (de Novarina, of course) par Dominique Pinon. Et figurez-vous qu'on a appris beaucoup de choses plutôt intéressantes pour notre entreprise, alors on a pris nos petites notes et voici ce qu'on en a retenu.

1. Que l'acteur qui entre sur scène vient prendre une leçon d'obscurité.

Nous ce qu'on propose s'appellerait plutôt une leçon haute en couleurs et en émotions. Mais nous pensons que ce qu'il veut dire par cette "leçon d'obscurité" nous concerne vraiment, aussi colorées que possible. Car il ne s'agit pas de la leçon que l'on offre aux autres, aux profs, au public et finalement au jury, mais de celle que Novarina nous offre. Il nous explique dans cette oeuvre comment selon lui, le meilleur acteur comique de tous les temps, comment Nous, devons nous comporter sur scène. Oublier la lumière, oublier le trac et la gêne, oublier notre état et profiter de l'obscurité face à nous. S'en servir de ressource et la boire jusqu'à la dernière goutte. Nous devons:

2. Retirer nos vêtements humains.

On nous le dit évidemment depuis le début qu'il faut s'oublier et devenir le personnage que l'on "joue", mais sans trop jouer, sans jamais simuler, en étant vrai, mais jamais trop quand même parce que le théâtre n'est pas un art réaliste, etc etc. Mais finalement, qu'est-ce que ça veut dire? Eh bien nous ce qu'on s'est dit, c'est que finalement, l'auteur le plus difficile à comprendre et à jouer était peut-être le plus clair, le plus apte à nous dire comment faire. Et que ces images dont nous parlons tant depuis le début sont peut-être celles qui nous permettront d'atteindre l'état d'une Irma Grammatica, ou d'un Bonhomme Nihil. Et nous pensons que cette image là, de retirer ses vêtements humains prend tout son sens dans ce contexte, finalement très inhumain. Aucun de nos personnages ne renvoie à un humain, à un voisin que l'on croise le matin ou même au facteur, au boulanger. Ils sont tous, de par leur noms, vicieux ou monstrueux, étranges du moins. Et le meilleur moyen de les apprivoiser est d'écouter leur créateur nous dire comment faire, comment les adopter. Et si nous retirions notre vêtement humain? Que nous enfilions une salopette qui n'a aucune connotation, et que nous oubliions un peu la lumière qui nous découvre aux autres pour se laisser aller à être le plus engagé, et peut-être le plus ridicule possible. C'est sans doute la connotation animale qui nous évoque cela, mais l'exercice que nous avions fait en tout début d'année, celui d'être une poule, ou un poisson nous paraît le même que nous devrions effectuer ici. Se quitter sois-même et incarner nos animaux. Pour en avoir pas mal discuté nous avons tendance à avoir toujours sur nous-même ce regard critique, cette gêne constante, et même si nous nous connaissons bien et que nous sommes assez en confiance, souvent on craint le regard de l'autre. Mais si l'on retire nos vêtement humains, si l'on s'oublie sois-même pour être toutes des poules, toutes des Bonhomme Nihil ou des Téanthropes, alors la leçon d'obscurité colorée pourra vraiment commencer. Il ajoute d'ailleurs que l'acteur comique n'a pas de vêtement mais seulement un costume de lumière. La combinaison n'est pas un vêtement et la peinture est la lumière. Il dit aussi d'ailleurs:

3. Que l'acteur s'assassine lui-même avant d'entrer en scène.

Il confirme ce qu'il dit, être vraiment là, incarner à deux cents pour cent c'est se jeter dans l'arène, n'être plus sois-même. Mourir avant d'entrer en scène et se vêtir des habits de nos personnages. L'acteur n'est pas celui qui se met en scène sous le feu des projecteurs, non au contraire il est celui qui apprend dans l'ombre de la lumière au travers de la peau qu'il s'est offert pour jouer. Jamais personne ne doit nous voir sur scène dans Novarina, ni nulle part ailleurs. On ne doit voir qu'un homme des trous du bas, qu'une machine à dire vrai, ou à réparer le vide juridique.

4. Il dit aussi que le théâtre n'est sur scène que la représentation d'un trou.

Nous avons beaucoup aimé cette image du trou, plus au sens organique, mais plutôt au sens spatial. Nous trouvons ça très intéressant de se façonner un trou d'imagination, de creuser à l'intérieur de nous même pour comprendre et trouver le sens de nos paroles. Puisque si nous nous abandonnons nous-même il ne s'agit plus de réciter un texte, mais de parler. Nous ne montrons aux spectateurs qu'un trou, et il est fort possible que le mot trou soit très adapté à la situation, car ils risquent de ne pas tout comprendre. Mais cette image du trou est très intéressante, on imagine presque directement un trou dans la scène et des personnages qui en sortent comme d'une fosse pour parler, et être leur personnage. Mais il ajoute ensuite:

5. Que l'acteur doit avoir des paroles neuves après chaque respiration et qu'il n'est là que pour jouer, uniquement pour rien.

Cela nous rappelle le journal de bord de Marine sur la respiration ventrale et le débit, la force de parole que cela permet de faire sortir de nous, et surtout le sens qu'il prend en nous. Cette respiration est essentielle chez Novarina, parce qu'en plus d'aider à faire exploser la parole, elle renouvelle le texte lui-même. Qui finalement n'est pas une suite sensée mais une respiration très sonore. Il faut jouer, sans but de résultat, uniquement pour rien. Sans penser à la carte que dessinera la peinture sur le papier blanc, sans penser à rien d'autre qu'à jouer.

6. Pour lui, pour Louis, toute pensée passe par le laboratoire du dedans.

Cela renvoie à nouveau à ce que disait Marine, une fois le ventre, la respiration, la concentration à l'appui, le texte a effectué un circuit intérieur et ressort deux fois plus grand, avec encore plus de sens.

7. Enfin, nous retiendrons qu'un acteur s'avance vers nous pour disparaître.

L'acteur n'existe plus, nous n'existons plus. Nous sommes le personnage, nous mettons au monde l'imaginaire de Novarina. Il dit d'ailleurs que le théâtre a été inventé pour brûler la nuit toutes les figures humaines, voilà donc le sens du théâtre pour lui, et voilà pourquoi ses personnages n'ont rien de réel, n'ont rien de nous les acteurs. Dans cette nuit qu'est la représentation, l'acteur meurt, il brûle à la lumière du spectateur et devient son personnage. Entrer en scène, pas pour se vider de ses mots, mais pour se suicider. Des suicidées entrent en scène !

Nataly et Jane

Petit bonus : une vidéo évoquant ce texte dans une autre m/s mais avec le même Pinon, dont on entrevoit la performance :

6 commentaires:

  1. Excellente contribution, les filles ! BRAVO !!!
    Voilà l'exemple d'un travail qui peut parfaitement entrer dans le JDB créatif : le CR d'un spectacle hors programmation du lycée qui éclaire les enjeux et les partis pris du travail collectif.
    Il y a juste une phrase qui a dû sauter au début dans la section 1 sur l-e meilleur acteur comique de tous les temps.
    Il faut aussi préciser que les termes prêtés à Louis de Funès par Novarina, sont bien entendu parfaitement imaginaires et fantaisistes !!!
    Il serait bien aussi et enfin de parler de la performance de PINON, acteur novarinien par excellence (qui a joué dans l'Acte Inconnu) : son travail sur le corps parlant est exemplaire de la voie ouverte par Nono.
    J'ai hâte de vous revoir ôter vos vêtements humains pour venir vous sacrifier sur la feuille blanche : ce sera jeudi prochain (apportez vos peintures A L'EAU !!!!), et tout le matériel nécessaire.
    Et n'oubliez pas la sortie du dimanche 9 janvier !

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  2. Personnelement tout cela ainsi que la vidéo de la performance de PINON m'éclairent mais me font assez peur ... J'ai l'impression que tout cela me dépasse, que peut etre je ne suis pas assez performante ou assez bonne pour jouer du Novarina. Comme Jane et nataly le disent lui qui semblait être le plus complexe est en réalité le plus clair, et bien cette clareté me fait peur , il touche des endroits de nous même qui me paraissent innaccessibles! J'ai l'impression que cet état d'animalité et de ne plus être nous entièrement, de mourrir avant d'entrer sur scène est impossible. Mais pourtant je sent l'envie grandissante en moi d'atteindre cet état c'est comme quelque chose que j'essai d'attrapper et que je touche du bout des doigts mais que je ne parviens pas a atteindre et c'est frustrant en tant que "comédienne" mais tellement intérressant. J'ai l'impression que c'est un défit qu'il me faut relever que c'est mon devoir de m'obstiner à l'atteindre mais que le chemin reste encore trés long.

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  3. Il ne faut pasavoir peur, Assia ! C'est l'enfance de l'art en vérité : il faut juste s'oublier... Et puis, il ne s'agit pas d'arriver à la performance de PINON, il suffit déjà d'avoir expérimenté ce dont il s'agit et de s'efforcer d'y tendre.

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  4. EXTRA Ce qu'ont rapporter les filles!
    Le fait de mourir avant d'entrer sur scène, pour moi c'est pas seulement laisser aux vestiaires tout les petits problèmes etc, mais c'est carrément tout oublier. On meurt, on renait sur scène, et quand on sort on se sent bien et c'est tout.
    J'ai toujours une image dans la tête avant de commencer a jouer. Par exemple quand on parle de mourir avant d'entrer sur scène, j'ai l'impression que l'espace d'une seconde je deviens spectre et que mon personnage est un costume devant moi dans lequel je glisse les mains (un peu comme quand on nous met une blouse chez le coiffeur) puis j'y passe la tête et la je ne voie plus avec mes yeux mais avec ceux du personnage. L'idée de laisser l'animalité prendre le dessus combiné avec les noms de créatures de Novarina me fait penser à un jeu video sur lequel je prend appui pour voir Le bonhomme Nihil, les protovolsques, la dame de pique ... SPORE ! C'est un jeu ou on évolue en créant sa propre créature à la conquête de l'univers. Exemple > Et la ca me dépasse complétement car même si j'ai enfilé le costume de ne suis pas capable de passé une jambe derrière ma tête où de faire des sauts de 6 mètres de hauts, et ce n'est pas l'envi qui me manque simplement je suis bloquée par le corps humain. Ça me fait penser a quand on était petit on s'imaginait être une tortue ninja où un dragon cracheur de feu. Cela ne posait pas de problème de ne pas savoir cracher du feu car on l'imaginait, j'aimerai pouvoir montrer que je suis capable de cracher du feu et de passer ma jambe derrière la tête! Il faut simplement y croire vraiment comme ce qu'ont rapporté les filles, ce qu'on dit et ce qu'on montre est la vérité!
    Deuxième découverte : j'ai toujours eu du mal à m'exprimer, je vois ce que je veux dire mais les autres non! Novarina c'est la même choses nous voyons ce que nos personnages disent mais les autres ne le voient pas (je parle de nos futurs spectateurs). Nous voyons car on à les mains dedans on machouille le texte par petit morceau pour mieux pouvoir le digérer. Novarina c'est un peu notre langue personnelle a chacune, on le machouille toutes différemment. J'ai fait le liens avec l'exercice de borborygme qui m'avait paru naturelle car c'était ma propre mastication qui était en marche, celle de tout les jours! Novarina nous demande de croire ce qu'on raconte avant tout, et le reste passera. Si on y croit les autres y croiront! Le tout dans tout ca c'est de ne pas tricher avec nos idées pour que les autres puissent les voir!

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  5. Après avoir lu le commentaire d'Assia je voulais réagir en disant qu'en réalité ce n'est qu'en voyant cette représentation que je me suis rendue compte de l'enjeu et des performances qui nous attendent. Mais ce qui m'as le plus troublée c'est qu'avec le texte de Novaria j'ai l'impression d'être une autre personne, même si j'ai aussi peur quelques fois de me "lâcher" complètement, avec Novarina c'est totalement différent. Je n'ai plus cette peur ou cette honte, je fonce simplement! Puisque de toute manière ce que Nono nous dit est comique, sans vrai sens au premier abord et totalement dérisoir. Mais j'ajoute que grâce à cette représentation, j'ai pu ouvrir les yeux sur un certains nombre de choses et que toutes ses "consignes" viennet s'ajouter pour nous aider dans notre imaginaire.
    Nataly H.

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  6. Merci pour votre message, j'ai l'impression de déjà sentir l'air rentrer dans mon ventre, et le monde délirant de Novarina s'afficher en kaleidoscope devant mes yeux ! Vivement cet après midi ! Merci merci merci :D

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